La Silver Économie et l'Horizon International
Nouvelles Initiatives et Comparaisons Transatlantiques | Interview de Guillaume Richard | Analyse de la cartographie des Agetech réalisée par Keren Etkin
Au cœur des mutations actuelles de la Silver économie, un phénomène majeur se dessine : l'internationalisation.
Face à ce défi, la Filière Silver économie, consciente des enjeux et opportunités que cela représente, lance en 2024 un groupe de travail dédié à l'export. Cette initiative vise à accompagner les acteurs du secteur dans leur mutation et dans la recherche d'opportunités à l'étranger. Ce groupe de travail sera co-piloté par Guillaume Richard, président - fondateur du groupe Ouicare, figure reconnue dans le domaine, qui partagera son expertise et ses perspectives sur ce projet ambitieux. Il sera accompagné de Charles Bark, président - fondateur de Hinounou, plateforme de santé digitale préventive et de Lorena Cabrera, cheffe de service « Arts de vivre et santé » au sein de Business France.
Dans la continuité de ce projet, dont les travaux démarrent en février 2024, nous avons souhaité donner un coup de projecteur au sujet de l’internationalisation et de l’export.
Dans ce premier numéro de l’année 2024, Guillaume Richard partage son opinion sur les enjeux et perspectives de l’export pour notre filière.
Par ailleurs, nous porterons un regard critique sur une cartographie du marché américain des agetech, réalisée par Keren Etkin, analyste reconnue dans ce domaine. Notre étude vise à mettre en lumière les différences et les similitudes entre le marché américain et le marché français, afin de mieux comprendre les dynamiques globales à l'œuvre et les stratégies à adopter pour une internationalisation réussie.
Ce dossier s'adresse aux professionnels de la Silver économie, souhaitant saisir les subtilités et les opportunités de ce secteur en pleine expansion à l'international. Nous espérons offrir des perspectives enrichissantes et des analyses pertinentes pour naviguer avec succès dans ce paysage en constante évolution.
Interview Exclusive : Guillaume Richard et l'Internationalisation de la Silver économie
Quels sont les principaux enjeux et défis que vous identifiez dans l'internationalisation des services de la Silver économie et quelle influence envisagez-vous sur la croissance de votre entreprise ?
Guillaume Richard : L’intérêt majeur de l’internationalisation, ce sont les effets d’échelle. En effet, si votre service Recherche & Développement vous coûte 90 par an, il est préférable d’amortir ce coût fixe sur un chiffre d’affaires de 400 réalisés à 75% à l’international que sur un chiffre d’affaires de 100 réalisés en totalité en France.
Un autre intérêt réside dans le partage d’expérience et des visions différentes de celles que nous pouvons avoir en France. Cela permet de s’ouvrir à de nouvelles façons de penser.
Quels sont les risques pour une entreprise française de la Silver économie de ne pas s'internationaliser, face à la concurrence internationale plus agressive ?
Guillaume Richard : Le risque pour une entreprise française de la Silver économie de ne pas s'internationaliser est que des entreprises étrangères deviennent plus compétitives et puissent proposer leur solution à un coût largement inférieur. Cela entraîne la perte de chances sur les marchés internationaux qui auraient pu être conquis par l'entreprise française.
Quelles sont vos motivations principales pour diriger ce groupe de réflexion sur l'export dans la Silver économie et quel impact anticipez-vous sur son avenir à l'international ?
Guillaume Richard : La France est internationalement reconnue comme étant le pays du bien vivre et les Allemands ont même une expression « Zufrieden wie Gott in Frankreich » qui signifie « heureux comme Dieu en France ».
Depuis plus de 20 ans, les gouvernements successifs ont créé les conditions de l’émergence d’une filière d’excellence dans la Silver économie et l’accompagnement des personnes âgées.
À nous, professionnels de la filière, de faire maintenant en sorte que la France soit aussi reconnue comme le pays du bien vieillir et exporter le « French art de vieillir ».
C’est aussi un moyen de redonner à notre pays le fruit de son investissement dans notre filière et passer d’une position où nous demandons souvent des moyens supplémentaires à l’Etat à une position où nous contribuons positivement à la création de richesse pour l’Etat et l’ensemble des Français.
Quelle approche et méthodologie spécifique envisagez-vous pour relever les défis de l'exportation des services à la personne dans la Silver économie ?
Guillaume Richard : Je pense qu’il faut arrêter de travailler chacun dans son coin et s’inspirer de ce que font très bien les Allemands : chasser en meute. Dans de très nombreux domaines, les différentes entreprises de la Silver Économie sont complémentaires et pas concurrentes. Plutôt que d’essayer chacun de vendre son petit morceau du puzzle qui permet de mieux vieillir, proposons des puzzles complets constitués de différentes offres émanant de différentes entreprises.
Il convient donc d’unir les forces des entreprises volontaires pour travailler ensemble et de mutualiser autant que possible les frais de commercialisation à l’international.
Analyse de la Cartographie Agetech 2023 réalisée par Keren Etkin : Une Perspective Éclairée
Introduction à la complexité de la cartographie des marchés
La création d'une cartographie de marché à partir d'une liste d'entreprises est un défi complexe. Elle nécessite l'identification des convergences dans un secteur diversifié, la définition de critères pertinents pour la comparaison, et la présentation des données de manière claire et informative. Cette démarche est cruciale pour révéler les tendances et les relations clés dans un secteur.
La Cartographie de Keren Etkin : focus sur les agetech américaines
Keren Etkin propose une analyse détaillée du marché américain des agetech, un segment spécifique de la Silver économie. Cette cartographie met en lumière les tendances, les segments clés et les acteurs majeurs de ce marché. Elle révèle la dynamique et la complexité de ce secteur à travers une quinzaine de catégories qui couvrent un marché technologique en B2B, B2C et B2B2C.
Des écarts évidents sautent aux yeux si l’on compare le travail de Keren Etkin au nôtre. Écarts d’autant plus marquants que les deux travaux portent sur le même nombre d’entreprises (300).
Analyse croisée des cartographies
Aux États-Unis, les secteurs de l'immobilier senior, des services à la personne et des agetech sont plus distincts qu'en France. Cette spécificité justifie l'approche d'Etkins, qui se concentre sur les agetech.
Elle cible ce segment pour s'adresser à un écosystème spécifique : les structures d'accompagnement et de financement de projets. Cette focalisation sur les entreprises technologiques répond aux préférences des investisseurs, attirés par les innovations et le potentiel de croissance - réel ou fantasmé - de l’univers tech.
En France, la filière et sa cartographie rassemblent des entreprises, des associations, des institutions paritaires, des acteurs publics. Les intérêts des uns et des autres sont plus croisés que dans l’analyse de Keren Etkin, ce qui en complexifie l’analyse, notamment pour des observateurs anglo-saxons habitués à un découpage binaire entre l’investissement privé et public.
Cette diversité des approches se retrouve dans les cartographies. Celle de Keren Etkin, nous l’avons dit, ne réunit que des agetech, tandis que la nôtre présente des entreprises, des associations ainsi que des organismes mixtes appartenant à l’économie sociale et solidaire et qui intègrent dans leur structure un volet commercial et un volet associatif (par exemple, Cosima dans l’habitat alternatif).
Retrouvez notre cartographie 2023 et son analyse dans le dossier du mois de décembre 2023 :
Zoom sur la nationalité des acteurs dans les cartographies
Mais il y a un autre écart important entre les deux travaux, c’est la nationalité des acteurs. Nous avons pris le parti de ne présenter que les acteurs français qui vendent en B2C et B2B2C tandis que Keren Etkin présente des acteurs de toutes nationalités, quelle que soit leur cible. Si une majorité des entreprises est d’origine états-unienne, on trouve aussi des firmes espagnoles (Kuvu, Vermuut), belges (Nobi), australiennes (Stitch), israéliennes (Vayyar), françaises (Ezio, Domalys), italiennes (Cocooners).
Quel est le point commun aux firmes non américaines présentes dans cette cartographie ?
Nous en voyons deux.
Soit les firmes vendent sur le marché US, ce qui est le cas de Vayyar, Domalys, Nobi et Stitch.
Soit elles ont été accompagnées par l’accélérateur - fonds d’investissement Birdhouse, ce qui est le cas pour Kuvu, Vermuut, Ezio et Cocooners. Raison de cette mise en lumière ? Keren Etkin est mentor pour cet organisme dynamique dont nous avons rencontré l’un des fondateurs dans notre opus consacré au marché Belge.
Retrouvez notre étude du marché belge et une interview de Birdhouse dans notre dossier Belgique
Conclusion : Implications pour la Silver économie française
L'analyse de la cartographie de Keren Etkin offre des perspectives précieuses pour les entreprises françaises de la Silver économie envisageant une expansion sur le marché américain. Elle souligne l'importance d'adapter les stratégies d'internationalisation aux spécificités de chaque marché et d'identifier les segments les plus pertinents pour attirer l'intérêt des investisseurs et des partenaires stratégiques.
En revanche, les travaux produits par l’analyste sur le marché américain montrent des préoccupations et des solutions voisines de ce que nous développons en France. Cela se vérifie sur les besoins, comme le manque d’aidants professionnels, le déni face au vieillissement, l’isolement social, les carences en transports adaptés ou l’accès aux soins.
Cela se vérifie aussi sur l’implication des pouvoirs publics dans le financement des solutions.
Et cela se vérifie bien sûr sur la nature de l’offre. Si les investisseurs privés sont si friands des innovations américaines car elles préfigurent les innovations européennes, l’analyse de la cartographie de Keren Etkin révèle une troublante similarité dans l’offre. Quand il est question de agetech, nous ne sommes pas en retard sur les Américains.
Découvrez tous les travaux de Keren Etkin sur son excellent site web : The Gerontechnologist.
Conclusion de notre dossier
Ce dossier offre une exploration approfondie de l'internationalisation de la Silver économie, combinant l'expertise sectorielle de Keren Etkins sur le marché américain des agetech et l'approche stratégique de Guillaume Richard.
Leurs perspectives soulignent l'importance d'une adaptation aux spécificités de chaque marché tout en favorisant l'innovation et la collaboration. Ces contributions mettent en lumière les possibilités et les défis du secteur, offrant aux professionnels des pistes de réflexion et d'action.
Elles ouvrent la voie à des initiatives audacieuses et novatrices, suggérant un avenir où la silver économie, en se globalisant, pourrait non seulement s'adapter aux tendances mondiales mais aussi les influencer activement.