Le nouveau visage du Salon des Seniors : Un public qui passe à l'action
En quête d'alternatives aux EHPAD et de solutions financières, les visiteurs 2025 concrétisent leurs projets dans l'année. Faut-il y être?
Le Salon des Seniors, rendez-vous annuel francilien dédié aux futurs retraités et jeunes retraités autonomes, s'est tenu du 12 au 15 mars 2025 à Paris Expo Porte de Versailles. Créé il y a 25 ans par le mensuel Notre Temps (Bayard), cet événement avait connu une période de stagnation avant sa reprise dynamique en 2021 par l'organisateur d'événementiel Quinze Mai. Ce dernier a su réinventer ce rendez-vous annuel, le transformant en un événement qui reflète les préoccupations actuelles des seniors.
Avec ses 180 exposants et sa centaine de conférences sans compter les micro-événements organisés sur les stands, l'édition 2025 proposait une programmation particulièrement riche. Pourtant, malgré cette offre variée, plusieurs acteurs majeurs de la Silver économie brillaient par leur absence, révélant un certain décalage entre l'offre du marché et les attentes réelles des visiteurs.
Le public, majoritairement composé de personnes âgées de 60 à 70 ans, se situait à cette charnière stratégique entre vie active et retraite. Une génération en quête de réponses concrètes pour préparer son avenir immédiat, marquée par trois préoccupations majeures : le rejet croissant des EHPAD comme solution d'hébergement, l'inquiétude grandissante concernant le pouvoir d'achat, et une volonté d'anticiper les adaptations nécessaires pour préserver son autonomie.
Pour comprendre ces mutations et leur impact sur le secteur, nous avons rencontré trois acteurs clés qui offrent un regard complémentaire sur l'événement : Barbara Latri, commissaire générale du salon ; Jean-Philippe Arnoux, vétéran du salon et directeur de la Silver Économie chez Saint-Gobain ; et Victor Perrazi et Anthony Piquet de Merci Prosper, entreprise spécialisée dans la monétisation du patrimoine immobilier des seniors.
Leurs témoignages dessinent le portrait d'un marché en pleine transformation, où la quête d'autonomie s'impose comme le nouveau paradigme.
"Le Salon des Seniors se renouvelle avec un public plus jeune et plus décidé"
Interview de Barbara Latri, Commissaire Générale du Salon des Seniors
Comment percevez-vous l'évolution du Salon des Seniors ces dernières années, notamment depuis la période post-Covid ?
Barbara Latri : Le salon a clairement connu un tournant. En tant que responsable commerciale, puis commissaire générale, j'ai suivi cette évolution depuis une dizaine d'années, et j'observe une transformation progressive. Les éditions 2020 et 2021 ont été particulièrement perturbées par la pandémie - 2020 a été annulée et 2021 reportée. Nous avons retrouvé notre niveau d'affluence en 2022-2023, malgré les craintes initiales liées aux rassemblements dans des espaces fermés. Ce qui est frappant, c'est l'évolution des exposants. Par exemple, dans le secteur des résidences seniors, nous avions auparavant de grands groupes qui dominaient l'espace avec des stands immenses. Aujourd'hui, nous accueillons davantage d’acteurs offrant une gamme plus diversifiée de solutions, du moins cher au plus haut de gamme.
Avez-vous remarqué une évolution dans le profil et les attentes des visiteurs ?
BL : Absolument. Le visitorat est plus jeune et plus éclectique, avec des attentes de solutions à plus court terme. Avant, nous avions beaucoup de visiteurs qui venaient sur les quatre jours pour explorer les offres sans intention immédiate d'achat. Maintenant, nous percevons des visiteurs plus proactifs, en recherche de solutions concrètes et prêts à prendre des décisions. Le temps entre la visite du salon et le passage à l'action s'est considérablement réduit. Il y a quelques années, la prise de décision pouvait prendre 3-4 ans, aujourd'hui elle se fait dans l'année.
Comment expliquez-vous cette accélération du processus de décision chez les seniors ?
BL : Je pense que c'est lié en partie au rejet des EHPAD. Nous observons un double phénomène : des générations plus jeunes qui, ayant pris soin de leurs parents, mesurent le coût que cela représente et veulent anticiper pour eux-mêmes. Beaucoup nous disent : "Je ne veux pas être un poids pour mes enfants". Il y a aussi une logique économique : certains cherchent à adapter leur domicile car c'est parfois leur seul patrimoine. Auparavant, quand les visiteurs apprenaient qu'ils n'étaient pas éligibles à certaines aides, ils abandonnaient souvent leur projet. Aujourd'hui, nous entendons davantage : "De toute façon, il faudra le faire, on n'aura pas le choix."
Observez-vous également des différences de fréquentation selon les jours de la semaine ?
BL : Oui, très nettement. Le samedi attire un public plus jeune, avec davantage d'aidants qui ne peuvent pas venir en semaine car ils travaillent. Ces visiteurs du week-end viennent souvent avec des questions précises concernant leurs parents. En semaine, nous accueillons plutôt des jeunes retraités de 62-63 ans en moyenne, qui cherchent à s'informer et s'organiser pour eux-mêmes. Notre visitorat est majoritairement francilien et plutôt féminin.
En tant que commissaire générale du salon, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle ?
BL : Mon rôle est d'avoir une vision globale de l'événement et de coordonner les différents services et prestataires qui interviennent. J'assure la cohérence de l'ensemble et je suis l'interlocutrice privilégiée de Notre Temps, qui est propriétaire du salon. J'ai une double casquette puisque je suis aussi responsable de la commercialisation. Je coordonne donc tous les aspects, de la communication à la technique, en passant par la logistique et les visites officielles. Il s'agit aussi de réfléchir à l'évolution du salon sur le moyen terme - vers quoi nous voulons aller et comment nous adapter aux attentes de nos visiteurs.
Comment travaillez-vous avec Notre Temps pour faire évoluer le salon ?
BL : Notre Temps est propriétaire du salon mais n'intervient pas directement dans la commercialisation. Ils sont plutôt en appui, notamment grâce à leur régie et leurs annonceurs. Nous collaborons pour assurer une cohérence entre les annonceurs de Notre Temps et les exposants du salon, car c'est complémentaire dans leur plan de communication. Sur les initiatives institutionnelles, c'est nous qui portons les projets, même si nous pouvons leur demander un accompagnement. Ils sont très présents - c'est leur événement avant tout - mais nous sommes les opérateurs.
Quelles sont les difficultés que rencontrent les petits acteurs innovants pour participer au salon ?
BL : C'est principalement une question de budget. Nous avons beaucoup de petites structures qui proposent des solutions très pertinentes pour nos visiteurs - des plateformes pour aidants, des solutions d'habitat alternatif, des innovations numériques - mais nos tarifs, bien que nous essayions de maintenir des modules accessibles, représentent un investissement conséquent. Nos stands commencent à environ 3 000 euros, sans compter les frais annexes (déplacements, hébergement, restauration, personnel). Pour ces petites entreprises, c'est un coût significatif, même si l'intérêt pour le salon est réel - nous recevons à certains moments jusqu'à une dizaine de demandes par jour.
Pourquoi le salon reste-t-il concentré sur la région parisienne ?
BL : C'est une réalité démographique : notre salon est francilien et notre public est à 95% francilien. L'Île-de-France représente déjà 20% de la population nationale. Des salons seniors existent déjà dans plusieurs grandes villes en région. Pour étendre notre présence, il faudrait une véritable intention des institutionnels locaux (départements, régions, caisses de retraite) car sans leur appui, lancer un tel événement serait compliqué. Il y a eu un boom des salons seniors ces dernières années face au vieillissement de la population, mais certains n'ont pas perduré faute d'une offre suffisamment pertinente.
Quelles sont vos ambitions pour l'édition 2026 du salon ?
BL : Chaque année, nous travaillons autour d'un fil rouge thématique, qui n'est pas encore défini pour 2026. Nous constatons une demande croissante autour du numérique et des aidants, sujets que nous souhaitons développer davantage. Nous allons continuer à renforcer nos thématiques phares comme la retraite, la gestion du patrimoine et l'habitat, en essayant d'intégrer des acteurs plus alternatifs, peut-être sous des formats différents qu'un stand traditionnel - par exemple sur une journée plutôt que les quatre jours du salon. Nous voulons aussi proposer davantage de solutions concrètes et gratuites, comme les consultations juridiques gratuites avec des notaires. Notre objectif est de permettre à nos visiteurs de trouver un maximum d'informations auprès d'experts, gratuitement, ce qui fait la force de cet événement.
Le témoignage de Jean-Philippe Arnoux, riche de ses douze participations consécutives au salon, enrichit cette vision globale en apportant un éclairage concret sur l'évolution des attentes des seniors concernant l'habitat et l'adaptation du domicile.
"Le Salon des Seniors se renouvelle et attire un public plus jeune et plus décidé"
Interview de Jean-Philippe Arnoux, Directeur Silver Économie chez Saint-Gobain
C'est votre 12ème participation au Salon des Seniors. Quel regard portez-vous sur son évolution au fil des années ?
Jean-Philippe Arnoux : Le salon a connu plusieurs phases distinctes, avec différents organisateurs. Ce qui a le plus changé, c'est la composition des exposants. Par exemple, dans le secteur de l'habitat, les groupes d'EHPAD, autrefois nombreux, ont quasiment disparu. Depuis environ 8 ans, je m'implique davantage dans la partie habitat au sein du comité éditorial J'essaie de professionnaliser cette section, en limitant la présence de ce que j'appelle les "marchands du temple" qui vendent tout et n'importe quoi, même s'il reste encore quelques exposants sujets à caution.
Il faut comprendre que ce salon se reconstruit après avoir été fortement impacté par le COVID, comme tous les événements de ce type, mais peut-être celui-ci plus que d'autres.
Comment le profil des visiteurs a-t-il évolué ?
JPA : Le visitorat est aujourd'hui potentiellement plus jeune et plus éclectique, avec des attentes de solutions à plus court terme. Avant, nous avions beaucoup de promeneurs qui venaient sur les quatre jours pour picorer les offres, attirés notamment par les stands alimentaires et festifs. Maintenant, nous sentons des visiteurs plus dans l'action, dans la décision et à la recherche de solutions concrètes.
Chez Saint-Gobain, nous ne nous adressons pas directement aux particuliers, donc nous ne participons pas à ce type d'événement avec un objectif de retour sur investissement immédiat. Mais nos partenaires, installateurs et industriels, constatent une accélération significative du passage à l'action. Il y a 12 ans, la prise de décision entre un salon et l'autre pouvait prendre trois à quatre ans. Aujourd'hui, elle se fait dans l'année. Les visiteurs arrivent avec une idée précise et veulent la concrétiser, même s'ils s'interrogent encore sur les aspects financiers.
Comment expliquez-vous cette réduction du temps de réflexion ?
JPA : C'est en partie lié au rejet des EHPAD. J'observe un double effet : des générations plus jeunes qui, ayant pris soin de leurs parents, voient le coût que cela représente et veulent anticiper pour eux-mêmes. J'entends souvent : "Je n'ai pas envie d'être un poids pour mes enfants". Il y a aussi une logique économique : beaucoup cherchent à anticiper des adaptations de leur domicile, car c'est parfois leur seul bien.
Auparavant, quand je disais aux gens qu'ils n'étaient pas éligibles à certaines aides, ils abandonnaient leur projet. Aujourd'hui, j'entends davantage : "De toute façon, il faudra le faire parce qu'on n'aura pas le choix."
Les gens sont plus conscients des besoins qu'ils auront au troisième et quatrième âge, plus sensibles à l'importance de sécuriser leur environnement et d'éviter les chutes. Il y a aussi une perception de baisse de qualité réelle ou supposée du système de santé et une volonté d'éviter l'hôpital pour ne pas accélérer la perte d'autonomie.
On observe une forte corrélation entre l'adaptation du logement et le refus d'aller en EHPAD. Est-ce un phénomène récent ?
JPA : C'est presque un réflexe primaire, lié au besoin fondamental de sécurité. Les gens disent : "De toute façon, je ne me vois pas vieillir ailleurs que chez moi." Le problème est qu'ils n'ont pas conscience que leur environnement n'est pas forcément adapté, et pas uniquement à cause d'une baignoire ou de marches. Un logement peut être inadapté parce qu'il manque de commerces à proximité, de transports ou de lien social.
Il existe une grande méconnaissance des solutions alternatives entre le domicile et l'EHPAD. Quand j'anime des ateliers sur ce sujet, je vois des personnes qui découvrent l'accueil familial, les MARPA, les résidences intergénérationnelles. Dès qu'on leur explique qu'elles peuvent rester indépendantes dans un "chez-soi" tout en vivant avec d'autres, en communauté, avec du lien social et des activités, certaines barrières commencent à tomber.
Je pense que cette attitude va évoluer avec les générations. Nous gérons actuellement la première génération post seconde guerre mondiale (1945-1955) qui est très attachés à leur logement. Les 1955-1970 ans qui suivront ont déjà une autre ouverture d'esprit, ayant expérimenté des modes de vie comme les Club Med et autres formules partagées. La sacro-sainte propriété privée aura tendance à évoluer si l'offre évolue également et qu'on le fait savoir.
Les salons sont-ils un bon vecteur pour faire de la pédagogie, comparés à d'autres médias ?
JPA : Oui, j'ai tendance à croire que les salons sont la bonne place, précisément parce qu'ils permettent un contact direct, que ce soit lors de petites conférences ou en face-à-face. C'est un public qui cherche ce contact humain. Aujourd'hui, il y a "Notre Temps", qui est lu par les retraités et seniors, mais beaucoup ne lisent que superficiellement. Le salon permet vraiment d'être en prise directe avec eux.
Quand j'anime des ateliers, que ce soit avec 60 personnes, 10 personnes à la mairie d'Amiens ou trois personnes ailleurs, il y a toujours une écoute. Avec l'expérience, on trouve les mots pour faire de la prévention et les amener à prendre conscience qu'ils sont les premiers acteurs de cette prévention.
J'ai l'avantage de ne pas être au service du public, ce qui me permet de leur parler directement, sans filtre mais avec le cœur Saint-Gobain. Ces personnes reçoivent énormément d'informations de toutes parts - caisses de retraite, etc. - et ne savent pas toujours d'où elles viennent. Dès qu'on prend le temps de leur parler, même brièvement puisqu'on est en flux continu, cela fait la différence.
Quels sont les grands absents du Salon des Seniors qui devraient y être représentés ?
JPA : Très clairement, tout ce qui est directement lié au quotidien et à la vie : les revendeurs d'aides techniques. Il faut que soient présents des Bastide, TousErgo ou Harmonie Médical Service car nous savons que l’aide technique est le corollaire indispensable à l’adaptation du logement. Mais aujourd’hui, ces acteurs se concentrent généralement sur le salon Autonomic, plus orienté grande dépendance ou handicap, car c'est un marché captif.
Les revendeurs d'aides techniques hésitent à venir sur un salon pour vendre quelques ouvre-bouteilles ergonomiques ou planche de bain à des seniors qui découvrent ces produits. Pourtant, quand Vita Confort a mis en place un magasin éphémère, ils ont fait un excellent chiffre d'affaires et amorti largement leur stand.
Je pense aussi que les groupes d'EHPAD devraient être plus présents, car même si on les rejette, on sait qu'on en aura besoin un jour. Il faut expliquer à quoi sert un EHPAD. Les représentants de solutions alternatives d'habitat, les associations comme France Parkinson, France Alzheimer devraient être invités de droit, tant pour les seniors eux-mêmes que pour les aidants familiaux.
Le salon devrait être rebaptisé "Salon des Seniors et des Aidants" et cibler les 50 ans et plus, pas seulement les 65 ans et plus. Car même un jeune senior est souvent un aidant aujourd'hui. Il manque aussi des banques, des assurances, des revendeurs d'isolants – les retraités étant souvent ceux qui ont le pouvoir d'achat pour faire des travaux malgré les difficultés actuelles.
Comment voyez-vous l'évolution des salons seniors à l'avenir, tant à Paris qu'en région ?
JPA : Le Salon des Seniors doit reprendre son rôle de locomotive. Il faut travailler en étroite collaboration avec les acteurs de proximité là où se tient le salon : la grande ville, le conseil départemental, pour faire venir non seulement les particuliers, mais aussi les petites collectivités territoriales, les maires qui ont des besoins et qui trouveront des informations précieuses.
En parallèle, il faudrait réfléchir avec la CNSA, la CNAM, à un dispositif national qui pourrait renforcer des événements locaux existants. On pourrait imaginer 13 salons régionaux dans des grandes villes ou des endroits stratégiques. Nous savons, grâce à notre expérience avec les camions itinérants, que cette dynamique du "aller vers" fonctionne.
Les caisses de retraite comme l'Agirc-Arrco pourraient envoyer des invitations officielles qui toucheraient leur public. Ce serait une opération de prévention à grande échelle, touchant des milliers de personnes plutôt que des petits groupes de 10 comme nous le faisons actuellement avec nos ateliers.
Il y aurait aussi intérêt à développer la dimension technologique et numérique du salon. Auparavant, nous avions des exposants comme Facilotab qui ne sont plus présents. Pourtant, le besoin d'information sur le digital, la santé connectée et la télémédecine est énorme. Il y a un terrain fertile pour des conférences sur ces sujets. Les innovations dans ce domaine ne relèvent plus de la science-fiction - nous y sommes déjà.
Si Jean-Philippe Arnoux insiste sur l'importance croissante de l'adaptation du logement comme alternative à l'EHPAD, les représentants de Merci Prosper abordent la dimension financière de cette équation en révélant comment les seniors perçoivent et commencent à mobiliser leur patrimoine immobilier pour maintenir leur autonomie.
Merci Prosper au Salon des Seniors : "Aider les seniors à mobiliser leur patrimoine pour mieux vivre"
Cette année, l'entreprise Merci Prosper a pris son propre stand au Salon des Seniors, une démarche qui illustre leur volonté de se rapprocher de leur clientèle cible. Victor Perrazi (CMO) et Anthony Piquet (COO) nous expliquent pourquoi cette présence était stratégique et ce qu'ils ont appris au contact direct des seniors.
Qu'est-ce qui vous a motivé à participer au Salon des Seniors cette année ?
Anthony: L'année dernière, nous avions eu la chance d'être hébergés par nos amis de Silver Valley. Cette année, nous avons voulu prendre notre autonomie en investissant dans notre propre stand pour une raison principale : être au contact direct de nos clients et prospects. Notre approche était différente - nous n'attendions pas que les gens viennent nous poser des questions, nous allions activement dans les allées avec toute l'équipe pour engager la conversation. Nous voulions comprendre comment se passe leur retraite, leur niveau de pouvoir d'achat et leur capacité à financer leurs projets. Cette démarche proactive était essentielle pour nous.
Quel profil de visiteurs avez-vous rencontré et étaient-ils différents de votre clientèle habituelle ?
Victor: C'est une excellente question. Comme notre stratégie d'acquisition repose beaucoup sur le digital, nous nous demandions si nous n'avions pas un biais dans notre prospection habituelle, attirant peut-être davantage des seniors plus jeunes (60-80 ans) plus à l'aise avec Facebook et autres plateformes. Sur le salon, nous avons constaté une population relativement diversifiée. Il y avait effectivement beaucoup de jeunes seniors, mais aussi des personnes plus âgées. Nous avons peut-être touché un public légèrement plus âgé que d'habitude, mais globalement, le profil restait similaire.
Quelles préoccupations principales avez-vous identifiées chez les seniors ?
Victor : Le sujet du pouvoir d'achat était omniprésent. Nous l'avons constaté notamment par la forte fréquentation du stand de l'Assurance Retraite et celui des notaires. Les visiteurs s'interrogeaient sur "que faire de l'argent déjà accumulé" et "comment l'utiliser efficacement". De nombreux passants, circulant près des kiosques de l'Assurance Retraite et de la Caisse des dépôts, s'interrogeaient sur le montant de leur pension future ou, après avoir obtenu une évaluation, réalisaient que leurs ressources seraient limitées pour leur retraite. La question fiscale était également très présente : comment garder suffisamment pour soi tout en optimisant la transmission aux enfants ? Même les personnes venues pour des sujets comme l'adaptation de leur salle de bains ou pour organiser un voyage étaient concernées par ces questions financières.
Votre stand était placé à proximité de l'Assurance Retraite et des notaires. Cette position a-t-elle influencé vos interactions ?
Anthony: Absolument. Cette position était stratégique pour nous. Nous intervenions soit avant, soit après les rendez-vous des visiteurs avec l'Assurance Retraite ou les notaires. Après leurs consultations, nous pouvions engager la conversation en leur proposant des solutions complémentaires. Les gens sortaient souvent de ces rendez-vous avec des attentes ou parfois des déceptions concernant leur niveau de retraite, et nous pouvions alors leur apporter un complément d'information sur des mécanismes encore peu connus en France. Être placés dans ce "corner finance, patrimoine et transmission" était idéal pour nous.
Comment évaluez-vous le niveau de connaissance des seniors sur la monétisation du patrimoine ?
Victor: J'ai remarqué que c'est plus une question culturelle que réglementaire. La plupart des gens savent que leur maison représente une ressource qui les rassure, qu'ils ont construite toute leur vie en se disant "c'est pour ma retraite". Ce qu'ils connaissent moins, c'est notre solution spécifique. Beaucoup connaissent le viager mais n'ont pas nécessairement exploré d'autres options. Ils se sont constitué leur maison comme une assurance et quelque chose à transmettre, mais ne sont pas encore dans la logique d'utiliser cette ressource pour bien vivre leur retraite.
Ce qui était frappant, c'est de voir des personnes qui se pensaient "pauvres" découvrir qu'elles avaient en fait un patrimoine mobilisable. Comme si l'argent au-dessus de leur tête n'était pas pour eux mais uniquement pour leurs descendants ou comme une simple assurance.
Anthony: On observe un paradoxe : certaines personnes vivent dans un appartement qui vaut peut-être 600 000 € mais se restreignent sur leur alimentation. C'est une forme d'aberration. La transmission reste un sujet très sensible. Nous sommes dans une génération où les soixante-huitards ont fait toutes sortes de révolutions, mais celle de la transmission n'a pas encore eu lieu. L'idée de "mourir le plus riche du cimetière pour transmettre à ses enfants" persiste.
Un point d'échange intéressant avec les seniors était de leur demander : "Est-ce que vos enfants ne seraient pas plus heureux si vous profitiez un peu de la vie en vendant 15% de votre maison, tout en continuant à transmettre le reste ?" Ce questionnement libère la parole. Les pays anglo-saxons et l'Allemagne sont bien plus avancés que nous sur ces sujets.
Comment percevez-vous l'évolution de votre approche partenariale depuis le lancement de Merci Prosper ?
Anthony: Notre stratégie a évolué. Sur le plan économique, nous avons revu nos ambitions dans notre business plan, en privilégiant la qualité plutôt que le volume. Mais sur le plan de l'image et de l'éducation, les partenariats restent essentiels. Plus on parle de ce type de solution, mieux c'est. Nous souhaitons donc accélérer intelligemment, en travaillant partenaire par partenaire, process par process, pour maximiser nos chances.
Nos partenaires ne vont pas vendre directement des contrats Prosper, mais ils nous donnent de la visibilité et nous permettent d'établir un point de contact grâce à la légitimité et la confiance qu'ils ont auprès de leurs clients. Notre double enjeu est donc pédagogique d'une part, et économique d'autre part, en étant présents au bon moment, quand le senior se pose la question du financement.
Victor: Nous avons appris à être plus sélectifs. Certains partenariats ont montré des signes très encourageants, d'autres moins. Nous sommes maintenant dans une démarche plus exécutive, en nous concentrant sur les partenaires qui fonctionnent vraiment. L'enjeu est d'être bien présent pour la bonne personne au bon moment, ce qui nécessite une compréhension fine des processus de chaque partenaire.
Conclusion : Vers un salon 2026 plus proche des préoccupations réelles des seniors
À l'horizon 2026, le Salon des Seniors s'oriente vers une formule plus en phase avec les attentes émergentes de son public. Les organisateurs prévoient de renforcer l'offre autour de trois piliers essentiels : l'adaptation du domicile pour garantir l'autonomie le plus longtemps possible, les solutions alternatives à l'EHPAD pour ceux qui envisagent de quitter leur domicile actuel, et les dispositifs d'optimisation financière pour maintenir un niveau de vie satisfaisant.
Cette évolution répond à une demande clairement exprimée par les visiteurs de l'édition 2025 : trouver des solutions concrètes, accessibles et immédiatement applicables. L'accent sera également mis sur le numérique et les services aux aidants, deux domaines en forte croissance qui correspondent aux besoins d'une nouvelle génération de seniors plus connectée et soucieuse de préserver son indépendance sans devenir un fardeau pour ses proches.
Le format même du salon pourrait évoluer, avec des espaces dédiés aux petits acteurs innovants qui peinent aujourd'hui à s'offrir une présence sur quatre jours. Cette diversification des exposants garantirait aux visiteurs un panorama plus complet des solutions disponibles, au-delà des offres traditionnelles des grands groupes.
Alors que le Salon des Seniors s'affirme comme un baromètre des évolutions sociétales liées au vieillissement, sa capacité à se réinventer sera déterminante pour continuer à attirer un public en quête de réponses à une question fondamentale : comment vieillir dans la dignité, l'autonomie et la sécurité financière ?