Semaine Bleue : célébrer les aînés ou transformer la société ?
Derrière les 8 000 initiatives festives, le défi d'une véritable politique de la longévité
Du 6 au 12 octobre 2025, la Semaine Bleue célèbrait sa 74e édition sous le thème « Vieillir, une force à partager ». Plus de 8 000 initiatives animent les territoires pour valoriser la place des aînés dans la société. Mais derrière la convivialité des lotos et des thés dansants, quels combats structurels se jouent ?
De la « Journée des Vieillards » de 1951 à l’événement national d’aujourd’hui, ce rendez-vous annuel a accompagné les mutations du regard français sur la vieillesse. Pourtant, alors que le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge publie un plan ambitieux en 10 mesures contre l’âgisme, une question persiste : comment passer de l’incantation à la transformation réelle de la société face au vieillissement ?
Retour historique, parole d’acteur et analyse critique : ce dossier interroge la capacité collective à faire de la longévité non plus un impensé, mais un véritable projet de société.
La Semaine Bleue : 74 ans d’engagement pour réinventer le vieillir ensemble
De l’urgence d’après-guerre au laboratoire d’innovation sociale, retour sur sept décennies d’une initiative qui a transformé notre regard sur la longévité.
Octobre 2025. Partout en France, des milliers d’événements célèbrent la vieillesse comme « une force à partager ». Difficile d’imaginer qu’il y a 74 ans, cette mobilisation nationale portait un tout autre nom : la « Journée des Vieillards ». Entre ces deux époques, un même fil rouge : la conviction que vieillir ne s’improvise pas seul, mais se construit collectivement.
1951 – L’urgence solidaire
Tout commence dans une France exsangue. Le ministère de la Santé publique lance la « Journée des Vieillards » pour secourir les personnes âgées frappées par les privations d’après-guerre. Quêtes nationales, bons d’alimentation, distributions de charbon : la solidarité s’organise dans l’urgence. Mais déjà, une intuition germe. Aux côtés de l’aide matérielle apparaissent goûters et visites à domicile. Le réseau associatif coordonné par l’Uniopss pose les fondations d’un mouvement qui ne s’éteindra plus.
Années 1960 – La convivialité comme remède
L’aide alimentaire cède progressivement la place à l’animation. Repas dansants, sorties culturelles, cartes envoyées par centaines : on crée du lien là où régnait l’isolement. Les premiers services d’aide à domicile voient le jour. L’objectif change de nature : il ne s’agit plus seulement de secourir, mais de reconnecter, de maintenir l’autonomie, de bâtir des ponts entre générations.
2001 – Une nouvelle identité
Exit la « Journée des Vieillards », place à la « Semaine Bleue ». Ce changement sémantique n’est pas qu’un lifting marketing : il traduit une mutation profonde du regard social sur les aînés. Le nouveau slogan résume l’ambition : « 365 jours pour agir, 7 pour le dire ». La coordination nationale structure désormais un maillage territorial dense, reflet d’une France qui commence à penser autrement le grand âge.
2014 – Marcher pour être visible
Les premières Marches Bleues investissent l’espace public. Dans plusieurs villes, un millier de participants – seniors, élus, professionnels, citoyens – défilent pour affirmer que vieillir n’est pas synonyme d’immobilité. Sport, prévention santé, visibilité : ces marches incarnent un refus des stéréotypes et un appel à l’inclusion. Le mouvement devient emblématique.
2020 – L’archipel des initiatives
Plus de 10 000 événements recensés chaque année sur tout le territoire. Ateliers, conférences, spectacles, concours : la carte interactive de la Semaine Bleue révèle un foisonnement créatif inédit. Chaque édition distingue les animations intergénérationnelles les plus innovantes, transformant l’événement en véritable laboratoire d’expérimentation sociale. La diversité des acteurs locaux fait la force du dispositif.
2021 – Soixante-dix bougies et trois générations de bénévoles
Pour ses 70 ans, la Semaine Bleue se raconte en vidéo. Slogans marquants, déguisements festifs, recettes partagées : les anecdotes défilent, portées par les témoignages rares de bénévoles engagés depuis trois générations. Au-delà de la nostalgie, c’est une légitimité qui s’affirme. La Semaine Bleue est devenue une institution, un rendez-vous incontournable pour penser le vieillissement autrement.
2025 – La vieillesse comme richesse collective
« Vieillir, une force à partager ! » Du 6 au 12 octobre, le thème de cette 74e édition place la barre haut. Loto intergénérationnel, baptêmes de l’air, défis sportifs, ateliers créatifs : partout, on rit, on joue, on mélange les âges. La lutte contre l’âgisme se fait dans le mouvement et la joie, loin des discours compassionnels. L’échange prime sur l’assistance.
De l’urgence humanitaire au projet de société, la Semaine Bleue a épousé les transformations de notre rapport au vieillissement. Elle reste aujourd’hui un outil précieux pour inventer une société de la longévité inclusive et désirable. Mais au-delà de l’événement, comment ancrer durablement ces valeurs dans nos politiques publiques et nos pratiques professionnelles ? Comment faire de ces sept jours un levier d’adaptation structurelle de la société au vieillissement ?
Pour répondre à ces questions, nous avons rencontré Daniel Goldberg, Directeur général de l’UNIOPSS, cette union qui coordonne depuis l’origine le réseau associatif de la Semaine Bleue et qui, depuis 74 ans, œuvre à faire du vieillissement un enjeu collectif.
La Semaine Bleue : 75 ans de mobilisation pour valoriser la place des aînés dans la société
Interview de Daniel Goldberg, Directeur général de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS)
La Semaine Bleue existe depuis plus de 75 ans. Comment cet événement a-t-il évolué depuis sa création ?
L’UNIOPSS n’était pas à l’origine de cet événement — nous avons repris l’animation nationale. Au départ, cela s’appelait la « Journée nationale des vieillards », une tombola pour soutenir les personnes âgées qui avaient très peu de ressources à l’époque. Aujourd’hui, la Semaine Bleue s’est transformée en un événement national mais très local, avec plus de 8 000 initiatives dans toute la France cette année. Ces actions sont organisées dans des établissements pour personnes âgées, par des municipalités et des associations. Elles donnent à voir le rôle social des personnes âgées. C’est cela qui est important : montrer leur contribution active à la société.
L’UNIOPSS assure la coordination dans le cadre d’un collectif national d’animation avec des représentants divers — caisses de retraite, gouvernement. Notre mission est de trouver un thème fédérateur chaque année, sachant que le fil rouge général reste « sept jours pour le dire, 365 jours pour agir ». Nous ne nous arrêtons pas aux sept jours de début octobre.
Quel message avez-vous souhaité porter cette année ?
Nous avons mis l’accent sur le changement démographique majeur qui s’amorce dès maintenant et va s’accentuer à partir de 2030. Deux chiffres l’illustrent : si tout va bien, on peut être vieux pendant environ 40 ans, de 65 à 105 ans. C’est un changement considérable. Deuxièmement, dans une famille, cinq générations pourront de plus en plus cohabiter. Ce sont des bouleversements sociaux majeurs — pas seulement démographiques — qui transforment les rapports dans les familles et dans la société.
Tout l’enjeu de la Semaine Bleue, c’est de mettre en valeur les personnes âgées non pas comme un coût pour la société, mais pour tout ce qu’elles apportent, parfois pendant 40 ans. Prenons la génération sandwich : des personnes à partir de 60 ans qui aident à la fois leurs parents et leurs enfants. Cette année, nous avons également beaucoup insisté sur la lutte contre l’âgisme, en lien avec les travaux du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge.
Les programmes locaux semblent pourtant rester très orientés vers les publics âgés eux-mêmes. N’y a-t-il pas une contradiction avec cette ambition holistique ?
Vous avez raison, il y a effectivement une dimension de mobilisation des personnes âgées elles-mêmes. Les Petits Frères des Pauvres ont publié des chiffres très alarmants sur l’isolement des personnes âgées.
Il s’agit donc aussi de redonner confiance aux aînés dans leurs actions concrètes au sein de la société. Sans les personnes âgées, l’activité culturelle serait diminuée dans les petites villes et villages. De même pour les associations et clubs sportifs — combien de retraités prennent leur voiture pour amener les enfants aux compétitions le week-end ?
Nous allons entrer en période d’élections municipales : de nombreuses villes sont gérées au quotidien par des retraités.
Notre ambition au niveau national, c’est de donner à voir ce rôle.
D’ailleurs, le concours national de la Semaine Bleue a remis six prix cette année, tous pour des actions intergénérationnelles : création de livres, conversations entre adolescents et aînés, ateliers lecture. L’UNIOPSS porte également le prix Chronos de littérature, destiné au jeune public avec des livres qui parlent de l’âge, et qui compte 10 000 à 12 000 jeunes lecteurs-jurés chaque année.
Cette mise en valeur des aînés est-elle suffisamment entendue dans le débat public ?
Pas suffisamment. Des questions très concrètes se posent, notamment celle du coût de la perte d’autonomie. Quand on pense « vieux », on parle beaucoup d’EHPAD — crise des EHPAD, scandale des EHPAD — mais pas d’autre chose. C’est une difficulté quand on veut justement aborder d’autres sujets.
Il n’y a pas de militantisme des personnes âgées.
Dans le champ du handicap, des associations militantes défendent les droits. Pour les aînés, ce n’est pas le cas. Quand on est vieux, on est vieux, parfois en perte d’autonomie.
Ce ne sont pas les enfants qui vont se mobiliser pour les droits de leurs parents. Nous avons donc du mal à imposer ce débat dans la société. Pourtant, les personnes âgées jouent un rôle essentiel en tant qu’acteurs sociaux et économiques, y compris auprès de leurs commerçants et dans différentes filières.
La Silver Économie, qui n’existait pas il y a une dizaine d’années, démontre bien ce rôle d’acteur économique.
Au-delà de la Semaine Bleue, quels combats l’UNIOPSS mène-t-elle pour les personnes âgées ?
Nous défendons une vraie cinquième branche de la Sécurité sociale, qui fonctionne en se rapprochant des autres branches. Cela signifie qu’au niveau national, le conseil de la CNSA ne soit pas que consultatif et qu’on ait une forme d’unicité du pilotage.
Je suis plus qu’interrogatif sur le soutien différencié selon les départements : suivant l’endroit où vous habitez, vous n’aurez pas le même accompagnement à besoin identique. Ce n’est pas la Sécurité sociale, ça. La Sécurité sociale, c’est l’universalité des droits, l’égalité de traitement, une unicité de pilotage et un financement par la solidarité.
Nous avons également milité pour que les Services Publics Départementaux de l’Autonomie (SPDA) soient des lieux où l’on discute de l’offre — pas seulement un guichet unique descendant.
Il faudrait que l’État et les départements se parlent, et qu’ils le fassent devant tout le monde avec ceux qui mettent en œuvre les politiques publiques. L’objectif : discuter de l’évolution démographique et partir de l’état réel des besoins.
Comment éviter les tensions intergénérationnelles dans un contexte de vieillissement démographique ?
Il faut absolument éviter les affrontements entre générations. Avec Alain Villez, président de la Semaine Bleue, nous avons cosigné une tribune affirmant que les personnes âgées doivent être reconnues, mais qu’elles doivent aussi écouter les jeunes — face à la précarisation de leur parcours de vie, face aux enjeux du changement climatique qu’ils affrontent.
Les aînés ont connu d’autres difficultés — la guerre, les conditions de travail pénibles — mais une espérance portait ces générations. Cette espérance n’existe plus aujourd’hui.
Notre système de retraite par répartition nécessite d’être expliqué : les actifs d’aujourd’hui paient pour les retraités d’aujourd’hui. On ne cotise pas pour soi-même, mais pour des gens qu’on ne connaît pas.
Dans un contexte de crise sociale et de crise de représentation, c’est difficile à comprendre. C’est aussi pour cela que la Semaine Bleue joue un rôle dans cette approche intergénérationnelle. Les 8 000 actions menées cette année ont un impact profond dans tous les territoires, même si elles ne font pas la une des médias nationaux.
HCFEA : un plan en 10 mesures pour faire de l’âgisme un combat national
Instance consultative créée par la loi ASV du 28 décembre 2015, le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge (HCFEA) est un organe de l’État installé en décembre 2016 auprès du Premier ministre. Il réunit experts indépendants, représentants d’institutions, d’associations et de la société civile. Trois vice-présidents, nommés par Matignon, président à tour de rôle les formations Famille, Enfance et Âge. Cette gouvernance intergénérationnelle garantit pluralité des opinions et indépendance intellectuelle.
En 2025, le HCFEA met la lutte contre l’âgisme en exergue. À l’ouverture de la Semaine Bleue, il publie un plan en 10 mesures pour transformer le regard français sur la vieillesse. Un calendrier stratégique. Daniel Goldberg, Directeur général de l’UNIOPSS, le confirme : « Cette année, nous avons beaucoup insisté sur la lutte contre l’âgisme, en lien avec les travaux du Haut Conseil. »
La convergence entre action de terrain et réflexion institutionnelle dessine une ambition : faire du vieillissement un projet de société.
Quatre priorités pour en finir avec l’âgisme
1/ Mesurer pour combattre
Améliorer la collecte de données. Réitérer les baromètres d’opinion sur les perceptions et comportements discriminatoires. On ne combat que ce qu’on mesure.
2/ Transformer les mots, changer les regards
Valoriser l’image positive de la longévité dans les médias. Promouvoir des vocabulaires inclusifs. Bannir les termes stigmatisants : « dépendance », « Ehpad ». Daniel Goldberg pointe la difficulté : « Quand on pense “vieux”, on parle beaucoup d’EHPAD — crise des EHPAD, scandale des EHPAD — mais pas d’autre chose. » Transformer le langage ouvre l’espace du pensable.
3/ Lever les barrières d’âge
Réviser les seuils d’âge pour les responsabilités publiques. Encourager la mixité générationnelle dans la gouvernance associative, municipale, nationale. Soutenir l’engagement bénévole des aînés. Le constat de terrain parle : « De nombreuses villes sont gérées au quotidien par des retraités », rappelle Daniel Goldberg. « Sans les personnes âgées, l’activité culturelle serait diminuée dans les petites villes et villages. »
4/ Adapter les politiques publiques
Engager acteurs nationaux et locaux dans la transition démographique. Face au « changement démographique majeur qui s’amorce dès maintenant et va s’accentuer à partir de 2030 », l’improvisation n’est plus permise.
La Semaine Bleue : entre ambition nationale et réalité locale
Le HCFEA choisit la Semaine Bleue pour déployer son action. Publication du plan de 10 mesures. Participation au concours national d’actions innovantes. Animation d’ateliers et de campagnes sur l’ensemble du territoire. Plus de 8 000 initiatives mobilisent la France en 2025. Le concours national remet six prix, tous pour des actions intergénérationnelles. Création de livres, conversations entre adolescents et aînés, ateliers lecture.
Mais la réalité locale raconte une autre histoire. La plupart de ces 8 000 actions existent depuis des années, organisées par les CCAS : lotos, thés dansants, sorties culturelles, ateliers mémoire.
Des moments de sociabilisation précieux pour les seniors, certes. Mais qui peinent à porter le message du HCFEA sur l’adaptation de la société au vieillissement.
Daniel Goldberg reconnaît le paradoxe : « Vous avez raison, il y a effectivement une dimension de mobilisation des personnes âgées elles-mêmes. » Des actions pour les vieux, rarement avec les moins de 65 ans.
L’ambition nationale se heurte à une programmation locale pensée avant tout pour occuper et divertir les aînés. Peu d’initiatives questionnent la place des personnes âgées dans la cité, leur contribution économique et sociale, les discriminations qu’elles subissent.
La Semaine Bleue reste souvent un rendez-vous entre pairs, loin de la transformation culturelle espérée. « Notre ambition au niveau national, c’est de donner à voir ce rôle », insiste Daniel Goldberg. Reste à savoir comment traduire cette ambition dans les territoires, au-delà des six projets primés.
Une médiatisation en demi-teinte
L’annonce du plan a bénéficié d’une réelle médiatisation à l’ouverture de la Semaine Bleue. Le Média Social, AEF Info, La Banque des Territoires, La Croix : plusieurs titres ont relayé les dix propositions du Conseil de l’âge. Des acteurs du secteur ont diffusé le programme via communiqués et partenariats associatifs.
Mais un constat s’impose : la couverture reste concentrée sur des médias spécialisés. Le grand public demeure à distance. Daniel Goldberg l’admet : « Nous avons du mal à imposer ce débat dans la société. » Contrairement au handicap, « il n’y a pas de militantisme des personnes âgées ».
Résultat : malgré son importance, le sujet peine à exister dans le débat public. Les recommandations du HCFEA circulent dans un entre-soi professionnel, sans véritablement irriguer la société.
Des armes limitées face à l’inertie politique
Le HCFEA ne dispose d’aucun pouvoir coercitif. Si ses recommandations sont ignorées, il ne peut imposer leur application. Ses travaux dépendent de la volonté politique et de l’engagement des décideurs.
La question mérite d’être posée : à quoi bon empiler les plans d’action si les pouvoirs publics n’en font pas le fer de lance de leurs politiques ?
Trois leviers existent néanmoins.
Le HCFEA émet des avis officiels transmis au gouvernement, aux institutions, à la société civile. Il peut intervenir sur tout projet de loi touchant l’âge ou la famille.
Il anime le débat public via rapports, enquêtes, campagnes de sensibilisation.
Il s’autosaisit sur des sujets d’actualité, lance des baromètres, propose des plans d’action structurés.
En 2025, ses 10 propositions ont été portées à la connaissance du Parlement et des ministères.
Sa légitimité scientifique et institutionnelle lui permet d’être un référent reconnu. Quand ses propositions sont reprises par associations, élus ou experts, elles finissent par susciter des évolutions législatives.
Sur le moyen terme.
Le HCFEA peut aussi médiatiser ses alertes, créer une pression morale et sociale. En dernier recours, il documente les conséquences de l’inaction : inefficacité des politiques, discrimination persistante. Il nourrit le débat. Il rend l’inaction visible.
Mais la question demeure : pourquoi le HCFEA ne serait-il pas le fer de lance d’une politique courageuse, portée aussi par le gouvernement ?
Pourquoi ses travaux restent-ils consultés plutôt que traduits en actes ?
La réponse tient peut-être à ce que souligne Daniel Goldberg : « Ce ne sont pas les enfants qui vont se mobiliser pour les droits de leurs parents. »
L’âgisme ne mobilise pas les foules. Il ne fait pas gagner d’élections.
L’adaptation de la société au vieillissement, dix ans après
La loi qui a créé le HCFEA portait un titre programmatique : « adaptation de la société au vieillissement ». Dix ans plus tard, le constat est en demi-teinte. Daniel Goldberg rappelle l’ampleur des mutations en cours : « Si tout va bien, on peut être vieux pendant environ 40 ans, de 65 à 105 ans. Dans une famille, cinq générations pourront de plus en plus cohabiter. » Des bouleversements sociaux majeurs qui appellent bien davantage que des rapports d’expertise.
La bataille de l’âgisme se joue d’abord dans les mots, les représentations, les imaginaires. Elle se gagne sur le temps long. Le HCFEA pose les jalons avec son plan en 10 mesures. Il documente, alerte, propose. Mais sa mission s’arrête là : éclairer et influencer. La mise en œuvre dépend des décideurs publics. Entre expertise indépendante et traduction politique, l’écart reste béant. L’adaptation de la société au vieillissement demeure un chantier à peine entamé.
En conclusion : l’urgence d’un courage politique
Soixante-quatorze ans après sa création, la Semaine Bleue mobilise toujours. Mais mobiliser suffit-il à transformer ? Dix ans après la loi d’adaptation de la société au vieillissement, les questions s’accumulent.
Les 10 mesures contre l’âgisme trouveront-elles une traduction concrète dans les politiques publiques ? Ou resteront-elles lettre morte, faute de portage politique et de mobilisation citoyenne ? Comment transformer « Vieillir, une force à partager » en réalité plutôt qu’en slogan ? Comment dépasser la fragmentation des initiatives locales pour construire une vision nationale cohérente ? Comment, surtout, inscrire durablement la longévité dans l’agenda politique, au-delà des événements ponctuels ?
Pourquoi les recommandations du HCFEA peinent-elles à irriguer les politiques publiques ? Pourquoi l’âgisme reste-t-il un combat sans armée, contrairement au handicap ? Faut-il attendre que les baby-boomers vieillissants se constituent en force militante pour que le sujet émerge dans le débat public ?
Les professionnels de la silver économie le savent : le marché ne suffira pas. Les innovations technologiques ne remplaceront pas une vision politique claire. Les actions locales, aussi précieuses soient-elles, ne peuvent compenser l’absence de volonté nationale.
Cinq générations pourront bientôt cohabiter. On peut être vieux pendant quarante ans. Ces bouleversements démographiques appellent des réponses structurelles, pas des plans consultés puis rangés dans un tiroir.
Reste une question : qui portera ce courage politique ? Et quand ?




