Comment la Caisse des Dépôts réinvente le recrutement dans le médico-social
Interviews de Loïc Rolland (CDC), Florent Orsoni (Ecole de design de Nantes) et Muriel Le Petit (Calvados Autonomie)
Face à la pénurie de personnel dans les métiers du soin et de l'assistance, la communication et le recrutement dans ce secteur sont devenus des enjeux critiques.
Hélas, les campagnes de communication ont souvent été perçues comme inefficaces, se heurtant à des idées reçues et à un manque d'attrait pour ces professions.
Ces opérations peinent à susciter l'engagement des jeunes, malgré l'importance et la pertinence sociale des métiers du grand âge.
Prendre une nouvelle direction ?
Reconnaissant l’impasse, la Caisse des Dépôts, représentée par Loïc Rolland, désormais directeur régional de la Banque des territoires Antilles-Guyane, a imaginé une approche innovante et collaborative en travaillant avec des partenaires extérieurs au domaine médico-social.
Nous vous proposons de découvrir les témoignages de trois des acteurs engagés dans cette démarche.
Outre Loïc Rolland, nous avons rencontré Florent Orsoni, Directeur du service Prospective et Professionnalisation à l'École du Design de Nantes, et Muriel Le Petit, responsable de l'agence Calvados Autonomie.
Leurs témoignages montrent comment cette collaboration a permis de développer des stratégies basées sur des études approfondies et une compréhension fine des leviers d'engagement des jeunes.
En intégrant des outils modernes de communication comme les réseaux sociaux et en revisitant les concepts traditionnels, ce projet ambitionne de créer un engagement durable plutôt qu'une simple attractivité temporaire. Les perspectives apportées par ces experts mettent en lumière les défis rencontrés et les solutions innovantes envisagées pour redynamiser le recrutement et la communication dans le secteur médico-social.
Naissance et genèse du projet, par Loïc Rolland
Directeur grand âge et autonomie au sein de la direction des politiques sociales de la Caisse des Dépôts, Loïc Rolland a dirigé un projet consacré à la recherche d’attractivité dans les métiers du médico-social. Financé par la Caisse des Dépôts, ce projet doit repenser la communication sur ces métiers en partant du point de vue des jeunes, à qui les campagnes s’adressent. Dans son témoignage, l’initiateur du projet revient sur les faits générateurs de l’opération et son mode opératoire.
Comprendre le Constat Initial
L'idée est venue d'un constat : les relations entre les personnes âgées et les petits-enfants, bien que souvent pleines d'affection, peuvent être compliquées en dehors du cadre familial proche.
Par exemple, j'ai vu des jeunes offrir leur siège à une personne âgée dans les transports en commun, et se voir refuser cette proposition avec pour seule justification que la personne n'est pas si âgée. Cela peut déconcerter les jeunes, surtout lorsqu'ils sont en groupe.
L'Écart de Perception du Discours Selon l'Âge
J’ai également été surpris de découvrir à quel point les références et le langage peuvent varier entre les générations, même lorsque l'écart d'âge est minime. J’ai fait ce constat lorsque mon neveu, en stage à la Caisse des Dépôts, a regardé des vidéos visant à expliquer aux jeunes le rôle de notre belle institution.
En visionnant ces vidéos, certaines références m'échappaient complètement tandis que mon neveu, lui, riait aux éclats. Cette expérience m'a fait réaliser que cette différence nous faisait passer à côté de moments de partage.
La Rapidité de l'Évolution des Outils de Communication
Récemment, mon neveu a échangé avec un autre jeune de la famille. Il lui a dit : « Qu'est-ce que tu racontes ? Je ne comprends pas ce que tu dis. » Ces deux jeunes, avec seulement deux ou trois ans de différence, avaient déjà du mal à se comprendre.
Cela m'a fait réaliser l'importance de créer des outils de communication adaptés à des publics spécifiques, sachant qu'ils auront une durée de vie très limitée.
D’ici un an à un an et demi, ils seront probablement obsolètes à cause de l'émergence de nouveaux médias, de nouvelles formes de communication, de nouvelles références à utiliser.... Actuellement par exemple, les jeunes favorisent les vidéos très courtes, mais cela pourrait encore évoluer.
Les Défis de Parcoursup et des Formations
Un autre constat qui a motivé cette initiative, c’est celui des limites de l’orientation professionnelle vers le médico-social. Parmi les jeunes inscrits sur Parcoursup, plus de 30 % choisissent les métiers du social, du médico-social et de la santé, mais seulement 10 % sont retenus.
Les jeunes mieux informés, plus matures sur leur projet sont plus sûrs de leur choix et moins susceptibles d'abandonner. Pourtant, beaucoup de jeunes abandonnent en cours de formation car ils réalisent que ce n'est pas ce qu'ils imaginaient.
25 à 30 % des infirmières arrêtent leur métier après cinq ans d'exercice, ce qui est catastrophique compte tenu du besoin croissant de personnel formé.
Changer la Perception des Métiers du Vieillissement
J'en ai conclu qu'il faut changer la perception des jeunes sur le vieillissement et les professions associées. Dans le cadre d’un partenariat avec la Banque des Territoires et l'École de Design Nantes Atlantique, nous avons demandé aux étudiants comment atteindre cet objectif. Ils ont proposé des jeux vidéo, des sites de discussion, des jeux de société, et des émissions Twitch.
Il est important de cibler par âge, car les jeunes utilisent différents réseaux sociaux et répondent à différents messages. Nous réfléchissons à comment adresser les jeunes de manière pertinente et massive, en partageant des témoignages et des ressources, et en les aidant à développer leur projet professionnel. Cela doit être fait en collaboration avec tous les acteurs concernés.
Des Solutions pour Tous les Jeunes
Nous devons toucher tous les jeunes, qu'ils soient en parcours scolaire classique, en difficulté, ou intéressés par des études professionnelles (CAP, BEP, bac pro). Il y a aussi ceux en décrochage pour lesquels il faut trouver des solutions. Les métiers de l'accompagnement des personnes âgées et du soin sont nombreux et en développement, tels que les aides-soignantes, les auxiliaires de vie et les animateurs, et peuvent répondre à leurs besoins, au sens qu’ils veulent donner à leur vie.
Nous avons besoin de personnes empathiques et désireuses de partager.
Conclusion et Perspectives
Nous avons cherché un porteur pour tester ce projet et le Conseil départemental du Calvados s'est positionné d’emblée au travers de sa plateforme des métiers de l’Autonomie1 - avec le soutien de l’ARS de Normandie - convaincus qu’en s’adressant de façon adaptée aux jeunes, ceux-ci pourront être attirés par ces métiers de l’humain et de la solidarité, qui correspondent, pour beaucoup, à leurs aspirations.
Il a aussi été crucial d'adapter notre approche en fonction du territoire, en tenant compte des différences de références des jeunes en milieu rural ou urbain, tout en respectant la charte du Conseil départemental en utilisant les moyens disponibles.
Partenaires
Ce projet est co-construit avec le service communication du Conseil départemental du Calvados, la plateforme Calvados Autonomie, la Manufacture de la Banque des Territoires et le cabinet Bengs. Le plan de communication de Calvados autonomie sera lancé début juin et l’Ecole de Design Nantes Atlantique restera à nos côtés pour apporter son expertise une fois les résultats de la campagne de communication connus.
Voyons à présent comment l’Ecole de Design de Nantes a contribué au projet avec le témoignage de son Directeur de la Prospective et de la Professionnalisation, Florent Orsoni.
Comprendre les jeunes pour bien communiquer avec eux, par Florent Orsoni
Quel a été votre rôle dans le projet de campagne de communication autour des métiers du grand âge, et comment avez-vous collaboré avec la Caisse des dépôts ?
Florent Orsoni : Nous travaillons depuis un moment avec la Caisse des dépôts sur des sujets liés aux métiers du grand âge et à leur attractivité. Notre rôle est plus celui d'une école de design qui utilise des méthodes de prototypage et de critique pour sensibiliser et communiquer différemment. Nous servons de laboratoire d'idées, où des jeunes de vingt ans, sans filtre, apportent un franc-parler et une critique constructive sur les campagnes existantes.
L'idée est d'impliquer des jeunes pour critiquer et explorer les possibles, afin d'éviter les erreurs de ciblage ou de problématique courantes dans les campagnes traditionnelles. Nous allons aussi sur le terrain pour rencontrer les soignants et comprendre leur réalité. Notre but n'est pas de faire à leur place, mais de donner des orientations et d'éclairer le sujet sous un angle nouveau, avec une totale liberté. En ce qui concerne notre collaboration avec le Conseil départemental du Calvados, nous sommes en phase de préfiguration et sur le point de lancer un projet. Nous avons une grande liberté d'action, ce qui est très apprécié. Nous brassons des idées et proposons des critiques et des actions possibles, souvent compilées dans des cahiers de tendances. Ces cahiers, comme celui sur le grand âge, offrent des orientations basées sur des heures de vidéos et de données collectées sur le terrain.
Cette approche permet de créer des campagnes plus pertinentes et innovantes, en se basant sur des données réelles et des idées fraîches apportées par des jeunes.
Comment le groupe que vous avez constitué a-t-il réagi à cette thématique, et comment ont-ils réussi à produire des propositions pertinentes ?
Florent Orsoni : Ces projets en partenariat servent avant tout à sensibiliser les jeunes étudiants designers sur les potentiels champs qui peuvent être explorés par leur métier. Au départ, l'accueil a été difficile. Les jeunes se demandaient ce qu'était ce sujet et avaient beaucoup de préjugés à dépasser. La première séance a été douloureuse car il a fallu déconstruire ces préjugés. Cependant, une fois qu'ils ont compris l'importance sociale du sujet et son actualité, ils ont commencé à se sentir extrêmement utiles. Cela les a motivés à explorer davantage et à choisir des stages dans ces secteurs.
Du point de vue du sujet, nous l’avons abordé sous le prisme du parcours utilisateur, en identifiant des points de rencontre clés, comme le stage de 3e. Nous avons abordé le sujet sous un angle de design, sans chercher à approfondir un message unique mais en trouvant les points de contact où il est nécessaire d’agir pour sensibiliser aux métiers du grand âge.
Le vrai problème n'est pas seulement l'attractivité de ces métiers, mais la réalité de ces métiers. Beaucoup de jeunes commencent des études d'infirmier et abandonnent en cours de route. L'idée était de décaler complètement l'approche, d'arrêter de véhiculer des clichés misérabilistes et de présenter ces métiers de manière plus réaliste et engageante.
Quelle approche avez-vous adoptée pour ce projet et quelles sont les limites de votre intervention en tant qu'école de design ?
Florent Orsoni : Le sujet central de notre approche est l'engagement durable plutôt que l'attractivité initiale. Nous avons reçu un brief sur l'attractivité des métiers, mais en cours de route, nous avons réorienté la discussion vers l'engagement durable, car c'est le véritable enjeu. À l'école de design, nous procédons par étapes et présentations multiples, permettant à tous les participants d'échanger et de réfléchir ensemble. Cela nous permet de "retourner la table" et d'explorer de nouvelles perspectives.
Nous utilisons une méthodologie qui inclut l'exploration, la définition et la divergence. Nous avons identifié des moments clés dans le parcours des jeunes, comme les stages de troisième et la transition vers la vie professionnelle, et nous avons développé des propositions de médias adaptés, tels que des témoignages sur TikTok ou des short stories, ou encore de nouveaux médias comme Twitch. Cela a été une découverte pour un certain nombre de parties prenantes.
Notre rôle est de suggérer des tendances et des approches, mais nous ne réalisons pas nous-mêmes les projets qui doivent être repris par des agences de design spécialisées. Par exemple, nous avons proposé des concepts pour une émission sur Twitch, mais nous ne la produisons pas. La Caisse des dépôts et la direction générale de la cohésion sociale, après avoir recueilli nos suggestions, peut choisir de pousser le sujet vers un département ou un autre acteur. Ils sont actuellement en discussions pour déterminer qui pourrait porter le projet, comment le financer, et comment le nourrir. Nous intervenons donc jusqu'à la phase d’idéation pour « secouer les idées », mais la mise en œuvre concrète dépasse notre champ d'action. Nous nous concentrons sur la définition des cahiers des charges et des approches à adopter pour adresser ces sujets de manière globale.
Comment envisagez-vous la mise en œuvre de cette stratégie et quelles sont les perspectives et limites de votre rôle dans ce projet ?
Florent Orsoni : La question actuelle est de savoir comment passer le relais après avoir collecté et analysé tous ces éléments. Nous avons alerté les parties prenantes sur l'importance des médias comme TikTok ou Twitch, sur le rôle de certains influenceurs ou la manière de traiter ces sujets, ainsi qu’une approche. A eux ensuite de dérouler la stratégie dans un écosystème complexe d’acteurs.
Politiquement, nous avons touché un sujet extrêmement complexe, ce que l'on appelle un "problème vicieux". Nous n'avons pas encore assez de recul pour évaluer pleinement notre impact.
Pour nos étudiants et encadrants, ce projet a été transformateur, changeant complètement leur perception des métiers du soin et du design social. Ils se sentent désormais beaucoup plus attirés par ces questions. Pour la Caisse des dépôts, c'est un sujet complexe et nous espérons les aider à trouver de nouvelles voies, mais il reste beaucoup à faire.
Nous sommes encore à l'échelle ministérielle, mais nous commençons à descendre au niveau départemental. C'est un processus lent qui nécessite patience et persévérance. La vraie question est de trouver des influenceurs pour porter les messages, d’avoir une stratégie sur plusieurs média spécifiques en fonction des cibles, car sans cela, la stratégie ne peut pas fonctionner.
Une approche systémique est essentielle. Il ne suffit pas d'attaquer le problème par les salaires, les valeurs ou la communication individuellement, il faut une vision globale et actionner différents leviers. C’est ce qui est permis par une approche design autour du parcours utilisateur. Passer par une école permet de renouveler les codes de l’approche, d’être iconoclaste et de sensibiliser à une nouvelle méthode d’approche, ce qui est crucial pour approcher les choses différemment. L’approche design permet de collaborer et de visualiser la complexité d’un tel sujet qu’il faut aborder en toute humilité et collectivement, sans quoi nous serons sûrs d’échouer. En la matière, la baguette magique n’existe pas. Mais c’est un défi passionnant et nous sommes ravis, en tant qu’école engagée, d’avoir l’opportunité de contribuer à répondre à ces défis de société.
Mise en œuvre du projet, sur le terrain
La mise en œuvre terrain du projet a été confiée à Calvados Autonomie2, l’agence pour l’autonomie du Calvados (14).
Enjeu de l’opération pour Calvados Autonomie :
Innovation : Le projet se distingue par son caractère innovant, notamment par la réalisation de deux études préalables à la campagne de sensibilisation, l'une auprès des professionnels et l'autre auprès des jeunes, pour identifier ce qui les touche et les intéresse.
Réponse aux besoins croissants : Avec l'augmentation de la population vieillissante et le manque de personnel qualifié, Calvados Autonomie vise à répondre aux besoins de maintien à domicile des personnes âgées ainsi que dans les établissements (EHPAD).
Atténuation de la pénurie : En favorisant les recrutements, la plateforme joue un rôle crucial dans l'atténuation de la pénurie de candidats dans les métiers de l'autonomie, renforçant ainsi la capacité des employeurs à fournir des soins de qualité.
Comment le projet va être déployé sur le terrain, par Muriel Le Petit
Directrice de Calvados Autonomie, Muriel Le Petit nous explique comment elle va mettre en musique le projet, prendre en charge les demandes des jeunes qui voudraient en savoir plus et les orienter vers les structures du département.
Pour commencer, Madame Le Petit, pouvez-vous nous présenter le contexte et le déroulement du projet ?
Muriel Le Petit : La Caisse des dépôts a initié un projet global visant à créer une campagne de communication destinée à attirer les jeunes vers les métiers d'auxiliaire de vie, d'aide-soignant, d'infirmier, et de manager de secteur. Pour ce faire, elle a mandaté le cabinet Bengs pour réaliser une étude afin de déterminer les leviers d'influence auprès des jeunes.
Cette étude devait identifier ce qui les touche le plus dans ces métiers, les éléments qui les attireraient, et les meilleures stratégies de communication, y compris les couleurs et les messages à utiliser sur les réseaux sociaux.
La Caisse des dépôts, ayant connaissance de notre action de terrain, nous a proposé un partenariat pour développer une campagne de communication innovante autour des métiers de l'autonomie. Initialement, nous avions créé des outils de communication sous forme de flyers pour informer sur les ressources disponibles au sein de la plateforme Calvados Autonomie.
Cependant, cette nouvelle campagne, développée en collaboration avec la Caisse des dépôts et le cabinet Bengs3, visait une approche plus ciblée et professionnelle, basée sur des études préalables pour mieux comprendre les leviers d'engagement des jeunes.
Études et Préconisations
Le cabinet Bengs a réalisé des études approfondies auprès des professionnels et des jeunes pour identifier les éléments susceptibles de les toucher et de les intéresser. Ces recherches ont fourni les bases nécessaires pour construire une campagne de communication adaptée et efficace.
La première étude, axée sur les jeunes, a fourni des recommandations sur les éléments de langage, les couleurs, et les images susceptibles d'attirer cette audience. Ces résultats, appelés "livrables", ont été transmis à Calvados Autonomie pour guider la création de la campagne de communication.
La seconde étude, réalisée en amont auprès des professionnels de terrain (auxiliaires de vie, aides-soignants, etc.), a identifié ce qui les maintient dans leurs métiers, ce qu'ils aiment, et ce qui pourrait être mis en avant pour attirer les jeunes. Nous avons dû adapter notre calendrier pour intégrer ce projet d'envergure, en tenant compte des nombreuses autres activités départementales, comme le 80e anniversaire du débarquement et le passage de la flamme olympique.
Création de la Campagne
La conception de la campagne a été un processus collaboratif, mené main dans la main avec les différentes parties prenantes.
Sur la base des préconisations de Bengs, Calvados Autonomie a élaboré une campagne de communication s'étalant sur quatre mois, comprenant des messages spécifiques sur plusieurs réseaux sociaux et une landing page sur leur site. Les jeunes, en cliquant sur les annonces, sont redirigés vers cette landing page où ils peuvent choisir d'être rappelés, accompagnés, ou obtenir plus d'informations.
La campagne inclut également des vidéos humoristiques décrivant les métiers. Nous avons travaillé chaque semaine avec nos partenaires, organisant des réunions régulières, y compris des rencontres physiques, pour échanger et affiner nos idées. Cela nous a permis de créer une campagne dynamique et visuellement attrayante, en décalage avec notre communication institutionnelle habituelle.
Diffusion et Partenaires
La Caisse des dépôts a également joué un rôle crucial en réunissant les partenaires, y compris la Croix-Rouge et d'autres acteurs clés. Notre tâche était de transformer ces propositions en actions réalisables pour Calvados Autonomie. Nous devons maintenant nous assurer que la campagne est bien connue et diffusée par tous nos partenaires, incluant les employeurs, les organismes de formation, les écoles, et les services d'insertion et d'orientation.
Qui recontactera les jeunes qui répondront à l'appel et demanderont à être recontactés ?
Muriel Le Petit : Lorsqu'un jeune laisse son contact ou nous appelle directement, c'est notre équipe de Calvados Autonomie qui prend le relais. Notre équipe restreinte comprend moi-même, cheffe de projet, un collègue de la Direction de l'insertion et du logement (DIL), et trois coordonnatrices de parcours professionnels.
Selon son secteur, une des coordonnatrices répondra au jeune, lui proposant un entretien ou une vidéo selon ses préférences. Ensuite, nous l'aiderons à découvrir les métiers en lui proposant des stages, des rencontres avec des employeurs, ou en l'orientant vers la bonne formation s'il connaît déjà le métier et souhaite se spécialiser. Notre objectif est de répondre à leurs demandes, de les accompagner et de les suivre, afin d'endiguer la pénurie de candidats dans ces métiers essentiels.
Qu'est-ce qui vous fait espérer que cette campagne aura plus de succès que les actions précédentes menées par d'autres acteurs pour résoudre la pénurie dans les métiers du soin et de l'assistance ?
Muriel Le Petit : Ce qui me rend optimiste, c'est la façon dont elle a été construite. Nous ne nous sommes pas contentés de créer des images attrayantes avec de beaux messages. Nous avons basé notre approche sur des études approfondies, notamment sur les leviers d'engagement des jeunes.
Nous avons travaillé sur la rapidité et l'efficacité de la communication à travers les réseaux sociaux, en utilisant un langage et des images qui résonnent avec les jeunes. Cette campagne inclut des vidéos où des jeunes parlent à d'autres jeunes, et nous avons veillé à changer le langage utilisé depuis des années pour rendre la communication plus pertinente et actuelle.
Nous avons aussi adressé les idées reçues sur ces métiers, comme le fait qu'ils seraient mal payés ou que les horaires seraient toujours contraignants. Nous montrons les perspectives professionnelles et la possibilité d'évoluer rapidement, même sans diplôme initial. Chaque métier est présenté de manière concise mais impactante sur notre landing page, soulignant les opportunités de carrière et les possibilités de formation continue.
Un autre point clé est l'utilisation intensive des réseaux sociaux, ce que notre Département ne faisait pas beaucoup auparavant. Cette approche a été fortement recommandée par le cabinet Bengs, car sans elle, nous n'atteindrons pas notre cible. En résumé, la combinaison d'une cible bien définie, de contenus dynamiques, et d'une communication moderne et adaptée aux réseaux sociaux est ce qui me fait croire au succès de cette campagne.
Quelles ont été les réactions au sein du Conseil départemental lorsque vous avez mis en œuvre la campagne ?
Muriel Le Petit : En ce qui me concerne, je n'ai pas été surprise par les résultats car ils correspondaient à mes recherches et connaissances sur la difficulté d'attirer des jeunes vers ces métiers. J'ai été très intéressée par les préconisations sur les couleurs et le langage à utiliser. Nos directions respectives, c'est-à-dire la direction de la communication et la direction de l'autonomie, ont eu toute confiance en nous.
Ma collègue Caroline Roussel de la communication et moi-même avons uni nos efforts pour ce projet, soutenu par nos directions, qui l’ont validé. Nous n'avons pas rencontré de freins significatifs excepté la charge de travail supplémentaire. L'ajout de ce projet à un calendrier déjà dense a été le principal défi, surtout pour ma collègue qui a dû trouver le temps. Malgré cela, elle a réussi à s'impliquer, et globalement, le département du Calvados a été favorable à cette initiative.
Bilan et suites du projet, par Loïc Rolland
Une fois le bilan de cette expérimentation réalisé (fin octobre), nous projetons – s’il est positif - de mettre la méthodologie élaborée à disposition de tous les acteurs de l’écosystème qui le souhaitent, dans une logique d’industrialisation, pour qu’ils puissent à leur tour réaliser des plans de communication à impact.
Cette industrialisation se fera avec la DGCS et la CNSA, en engageant toutes les parties concernées pour assurer le succès du projet.
Notre mission à la direction des politiques sociales de la Caisse des Dépôts inclut notamment la gestion du compte de formation qui permet aux actifs de se former tout au long de leur parcours professionnel. Cet outil fournira un contenu pertinent pour les métiers en tension et devra être adapté aux différents secteurs (pour la cartographie des ressorts d’engagement), en répondant aux critiques des jeunes et en mettant en évidence les avantages, comme la rémunération d'une aide-soignante proche de 2 000 euros nets par mois.
Aller plus loin pour attirer les jeunes et aider les professions
En parallèle de cette action avec l’Ecole de design Nantes Atlantique, nous avons entamé une démarche complémentaire avec la volonté, au terme d’une première expérimentation, de fournir les éléments (un « kit de communication » permettant d’élaborer des plans de communication pertinents à tous membres de l’écosystème des métiers du soin et de l’accompagnement du grand âge (employeurs et organismes de formation).
Ce kit se compose de différents livrables. Il contient notamment une cartographie des ressorts de l'engagement, élaborée à partir des enquêtes menées auprès des jeunes lors de salons et dans leurs lycées et collèges. Cette cartographie permet d'identifier ce qui motive le plus les jeunes à travailler dans les métiers de l'accompagnement et du soin, et aide à mieux cibler les messages qui leur sont adressés.
En complément, nous avons élaboré un référentiel des leviers d'engagement, qui explique comment s'adresser aux jeunes du lycée à après le bac - quels mots utiliser, quels médias, quelles couleurs, etc.
Enfin, notre kit comprend également deux méthodologies : l'une pour l'élaboration d'un brief de communication et l'autre pour permettre aux acteurs qui élaborent leur plan de communication basé sur notre kit de mesurer l'impact de leurs actions.
L'idée que nous proposons est ambitieuse et disruptive, abordant un sujet inédit avec un grand potentiel d'impact. Les interviews menées montrent que les jeunes sont intéressés et investissent du temps, ce qui prouve la pertinence de notre approche.
Nous devons améliorer notre manière de nous adresser aux jeunes. Les campagnes traditionnelles, comme celle de l'État en 2021, ont échoué car les jeunes ne lisent pas les affiches. En revanche, des initiatives plus affûtées, comme notamment le recours à des QR codes renvoyant à des vidéos, ont mieux fonctionné.
Une des dix-neuf plateformes départementales d'accompagnement vers les métiers de l'autonomie des personnes âgées et handicapées en cours d’expérimentation.
C’est la plateforme des métiers de l'autonomie dans le département du Calvados. Elle a été créée en réponse à un appel à projet de la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie).
Calvados Autonomie est engagé dans la valorisation des métiers de l'autonomie, la formation de futurs professionnels, et le soutien aux employeurs pour faire face aux défis démographiques et sociaux liés au vieillissement.
Missions de Calvados Autonomie :
Valorisation et Sensibilisation : Promouvoir les métiers de l'autonomie et sensibiliser le public à leur importance.
Propositions de Parcours Professionnels : Offrir des parcours professionnels aux personnes intéressées ou méconnaissant ces métiers, afin de les orienter vers des carrières dans ce secteur.
Favorisation des Recrutements : Aider les employeurs à surmonter la pénurie de candidats en leur fournissant un pool de talents adéquat pour répondre aux besoins croissants liés au vieillissement de la population et au souhait des personnes âgées de rester à domicile.
La mission de l’agence Bengs, financée par la Caisse des Dépôts, consiste à travailler sur et aider avec les leviers d'influence, les ressorts de l'engagement, ainsi que la mesure de l'impact de la communication menée.