🚘 Les seniors peuvent-ils se passer de leur voiture ?
Les Cahiers de la Silver économie #9
Peut-on penser la prévention de la perte d’autonomie en faisant abstraction de la mobilité ?
Peut-on réclamer plus de maintien à domicile sans s’assurer que les territoires permettent à leurs habitants de se déplacer librement et simplement ?
Peut-on empêcher les seniors de conduire parce qu’ils seraient dangereux au volant ?
Trois fois non, pardi.
La mobilité est un élément consubstantiel à la prévention de la perte d’autonomie et toute action qui penserait l’une en omettant l’autre serait vouée à l’échec.
Le mois dernier, nous avons abordé la question sous l’angle du transport public et en commun en allant à la rencontre d’acteurs du changement qui pensent la mobilité du futur.
Mais nous n’avons abordé qu’une des faces de la pièce. En effet, on peut difficilement priver les seniors du moyen de transport individuel qui incarne la liberté depuis près de 100 ans, l’automobile.
Aujourd’hui, nous complétons notre recherche en allant à la rencontre de spécialistes de la mobilité automobile afin qu’ils vous éclairent sur :
Les besoins de mobilité individuelle des seniors,
La dangerosité réelle ou fantasmée de leur comportement au volant,
Les actions qui permettent de préserver leur mobilité tout en veillant à la sécurité du conducteur, de ses passagers et des gens qu’il croise.
Dans ce premier numéro de l’année 2023, nous donnons la parole à trois experts :
Gérard Hernja, docteur en Sciences de l'Education, Responsable ECF le LEEM : Education, risques routiers et mobilité, Membre du conseil scientifique du Laboratoire de la mobilité Inclusive.
Patrick Mirouse, Président des auto-écoles ECF depuis novembre 2022, gérant d’écoles de conduite et de centres de formation depuis 30 ans, il travaille dans trois départements du Sud-Ouest : Ariège, Garonne et Aude.
Patrice Bessone, Président de Mobilians Education et Sécurité Routière (ESR), directeur d’une école de conduite et de sécurité routière depuis près de 15 ans.
🚘 Seniors au volant : l’avis du scientifique
C’est quoi être senior dans le champ de la conduite ?
Gérard Hernja : Être senior c’est toujours avoir un certain âge. Mais cet âge ne reflète ni les capacités des personnes à se déplacer, ni les compétences de conduite, ni même l’expérience.
Un senior peut se déplacer plus aisément à 60 ans qu’à 20 ans. Il peut voir ses compétences se réduire mais être encore supérieures à celles de nombre de personnes plus jeunes.
Il peut moins bien conduire mais mieux se conduire au volant. Il peut même être senior et conducteur novice.
Enfin, il peut avoir besoin d’être accompagné de manière spécifique pour continuer à se déplacer en voiture en limitant les risques. Sachant que beaucoup de seniors n’auront pas besoin de cet accompagnement ou alors n’auront pas le réflexe, l’opportunité ou la volonté de le demander, ce qui est plus embêtant.
L’autonomie des seniors passe très souvent par le déplacement et ce déplacement se concrétise encore très souvent en voiture ?
Gérard Hernja : Les seniors veulent se déplacer parce qu’ils ont le désir de continuer à vivre. Ce faisant, ils se rendent compte que cela devient plus exigeant et plus complexe, parce qu’ils vieillissent mais aussi parce qu’ils sont parfois moins acceptés sur l’espace routier, quel que soit leur mode de déplacement.
La voiture individuelle reste l’un des moyens privilégiés par ces publics pour se déplacer. Ils la privilégient parce qu’elle est inscrite dans leurs imaginaires et leurs histoires de vie. Parce qu’elle est très pratique, parce qu’elle leur amène une forme de sécurité, parce que dans leur voiture ils sont comme les autres, parce qu’elle est parfois la seule solution possible. La voiture en elle-même est un outil d’adaptation, notamment lorsque la marche, le vélo ou même les transports collectifs deviennent difficiles. Le choix de la voiture est donc souvent un choix de cœur et de raison.
Mais se déplacer en voiture demande des compétences qui peuvent décliner avec l’âge ?
Gérard Hernja : L’âge oblige à s’adapter pour conserver leurs compétences mais aussi pour en développer de nouvelles. S’adapter est donc possible très longtemps, d’autant plus que le développement de voitures avec des degrés d’autonomie de plus en plus avancés peut rendre la conduite moins technique.
Chaque conducteur sait par ailleurs que le processus d’adaptation se développe tout au long de la vie. Il y a un âge où le conducteur prend conscience qu’il doit s’engager davantage dans ce processus et parfois être accompagné. Le processus d’adaptation est d’ailleurs nécessaire quel que soit le mode de déplacement. Ne croyons pas qu’il suffirait de sortir les seniors de la route à un certain âge pour résoudre les problèmes. Prendre les transports en commun peut se révéler très complexe et angoissant. Traverser la route à pied peut parfois être très dangereux.
Il peut certes y avoir un moment où cette prise de conscience n’est plus possible, mais là , sauf accident, il s’agit le plus souvent d’un défaut d’accompagnement antérieur et de prévention. C’est justement pour cela aussi qu’il faut penser un accompagnement continu et progressif. C’est aussi pour cela qu’il faut parler de mobilité, parce que ces questions vont au-delà du déplacement et des compétences de conduite.
Cela change quoi de parler de mobilité ?
Gérard Hernja : Parler de mobilité permet d’interroger les sens des déplacements et de l’expérience vécue.
Ce n’est pas pareil d’être contraint à se déplacer ou choisir de le faire. Ce n’est pas pareil de vivre, à travers le déplacement, une expérience de transport agréable et enrichissante ou a contrario une expérience désagréable et parfois même traumatisante.
La conduite automobile peut devenir source de difficulté ou de stress. Mais prendre les transports en commun peut être bien plus stressant et difficile encore. J’ai travaillé avec des conducteurs qui prenaient leur voiture en ville pour se sentir en sécurité, parce que prendre le train, attendre dans le hall ou sur les quais de la gare était source d’angoisse pour eux, une angoisse bien réelle à leurs yeux.
Accompagner les seniors en évoquant la mobilité permet donc d’avoir une approche globale de la manière dont s’articulent déplacements et qualité de vie. Le déplacement peut changer ou se restreindre et peut-être même s’arrêter sans pour autant que cela ne signifie la fin de l’idée de qualité de vie, mais ce processus demande une préparation.
Que des seniors se déplacent en voiture crée quand même des risques objectifs ?
Gérard Hernja : Oui, mais les risques sont en premier lieu pour eux-mêmes, parce qu’avant d’être la cause des accidents, ils en sont les victimes, qu’ils se déplacent en voiture, à vélo ou à pied. Pour un même choc, le risque qu’une personne âgée décède est multiplié par 3.
Alors oui, la conduite automobile crée des risques et ceux-ci sont le plus souvent socialement inacceptables. Il appartient donc à la société de savoir s’organiser pour repérer et mettre à l’écart les conducteurs dont la dangerosité au volant serait avérée. Mais il appartient surtout à la société d’accompagner tous ceux qui en ont besoin vers une conduite prudente. On n’imagine pas aujourd’hui interdire collectivement la conduite à tous ceux qui ont moins de 25 ans, qui plus est lorsqu’ils sont des jeunes hommes, parce qu’ils sont dangereux. Alors accompagnons les conducteurs âgés, sans les stigmatiser. Accompagnons-les également dans le deuil qu’ils feront peut-être à un moment ou un autre de la conduite et faisons en sorte que ce moment ne soit pas pour eux une mort sociale.
Comment accompagne-t-on les seniors ?
Gérard Hernja : Pour les accompagner, il est en premier lieu nécessaire de les connaître. L’accompagnement demande une forme de diagnostic. Pour que ce diagnostic fasse déjà partie du parcours d’accompagnement, il gagnera à se baser sur de l’autoévaluation mais également des mises en situation.
Pour les accompagner il faut ensuite savoir mesurer et valoriser l’expérience qu’ils ont, une expérience qui, dans la majorité des cas, leur permettra d’adapter très longtemps leurs compétences de conduite, qui fera aussi qu’ils auront la sagesse de prendre les décisions qui s’imposent pour leur sécurité et celle des autres.
Enfin, s’il faut les accompagner pour qu’ils puissent, s’ils le désirent, conduire le plus longtemps possible, il faut en même temps construire leur mobilité d’après-conduite, pour que la coupure avec la conduite ne soit pas brutale et traumatisante. Avant l’arrêt de la conduite, qui peut être très tardif, il y a une période pendant laquelle ils conduisent moins, plus aux mêmes moments ou aux mêmes endroits. Profitons de ces périodes pour aborder les questions relatives à la substitution d’autres modes de déplacement à la voiture.  Cela demande donc de l’organisation, de la planification et de l’accompagnement.
Quelle peut être la place des écoles de conduite dans cet accompagnement ?
Gérard Hernja : Les écoles de conduite peuvent répondre aux demandes de base, lorsque celles-ci concernent les règles du Code de la route, un audit de conduite et une remédiation. L’objectif de ces formations est cependant trop souvent d’amener les conducteurs âgés à continuer à conduire comme s’ils n’étaient pas dans un processus de vieillissement. Ce qui ne répond pas aux problématiques de mobilité que nous avons décrites. Qui plus est, certaines formations ponctuelles pourraient même s’avérer contreproductives et sources de risques supplémentaires, notamment si elles renforcent le sentiment de maîtrise de la conduite.
Les enseignants de la conduite ne pas assez formés pour accueillir des publics vieillissants dans une perspective d’adaptation plus que d’acquisition de connaissance, avec de possibles difficultés sensorielles ou cognitives. En même temps, retourner à l’auto-école peut sembler stigmatisant, parce que c’est à leurs yeux la place des jeunes conducteurs. Très rares sont ceux qui s’autorisent à contacter une école de conduite.
Les écoles de conduite pourraient faire beaucoup plus et beaucoup mieux. Elles commencent à s’intéresser au problème. Elles ont pour réussir des atouts indéniables, un réseau disséminé sur tout le territoire, des locaux, des véhicules équipés de doubles commandes et surtout des formateurs prêts à être formés et à intervenir.
Comment peuvent-elles faire beaucoup plus et beaucoup mieux ?
Gérard Hernja : Elles doivent accepter de faire un pas de côté pour monter en compétence dans ce domaine et être reconnues comme des interlocuteurs crédibles. Elles doivent alors accepter d’être accompagnées pour, elles aussi, mieux accompagner. Elles doivent monter des partenariats avec les associations, les assureurs, les entreprises ou le monde médical pour intégrer dans leurs programmes et les parcours qu’elles proposent des connaissances et des compétences qu’elles ne possèdent pas a priori.
Les écoles de conduite doivent travailler au sein de réseaux multi-acteurs pour développer de véritables offres répondant aux besoins et les mettre en œuvre. Elles doivent solliciter l’État pour construire un continuum éducatif de mobilité spécifique. Elles pourraient avoir une place essentielle dans ce continuum, sans pour autant revendiquer une place centrale. Chaque formation proposée par une école de conduite gagnerait à s’intégrer dans un ensemble destiné à donner des solutions et de l’espoir, avec des passages de relais et des alternatives à la voiture dès que possible ou nécessaire.
Pour conclure, je rappellerai avec force et conviction qu’il est important que la société se penche sur la problématique de la conduite des seniors, moins parce qu’elle est un problème que parce qu’elle constitue une solution pour leur autonomie.
🚘 L’avis des professionnels de la conduite automobile : Patrick Mirouse, président des ECF
ECF en pratique
ECF (Écoles de conduite françaises) est le premier réseau généraliste d'école de conduite et de formation professionnelle transport et logistique au niveau national.
Le réseau rassemble 4000 personnes. Il compte 500 à 600 implantations en propre et 400 points relais qui ne sont pas tout à fait des ECF mais entreprises partenaires.
Acteur de référence auprès des institutions et des pouvoirs publics, les ECF sont mobilisées sur des missions pédagogiques autour de la mobilité pour tous les citoyens, de l’enfance au grand âge. Pour les seniors, le réseau propose des actions de formation consacrées à la reprise de conduite et au maintien de la mobilité.
Zoom sur le secteur des écoles de conduite
Secteur artisanal où la relation humaine joue un rôle clé, « l’auto-école » a dû s’adapter à la digitalisation de la demande, sans renier ses origines. Réponse aux attentes de leur clientèle, cette digitalisation était aussi une nécessité pour contrer la concurrence de plateformes digitales qui ont attaqué le marché traditionnel pour en détenir aujourd’hui 5%.
Point de passage obligatoire pour tous les citoyens souhaitant disposer d’un permis de conduire, l’auto-école de 2023 continue de « purger » les demandes qui avaient été gelées pendant les 6 mois de confinement en 2020. Confronté à une diminution des candidatures, le secteur doit s’adapter à une carence conjoncturelle de personnel enseignant.
Les seniors au volant sont-ils dangereux ?
Patrick Mirouse : Qu’entend-on « être dangereux » ? Est-ce que c'est en nombre d'accidents qu'on va le calculer ? Si c'est cela, c'est moins parce que cette population roule moins. Certaines situations font les gros titres dans la presse, mais restent rarissimes.
La population des seniors n'est pas plus dangereuse que les autres, c'est même le contraire. Ces conducteurs sont conscients de leurs limites et ils essayent de garder du lien social grâce à la voiture. La voiture est encore plus précieuse pour ces publics-là que pour d'autres.
Qui sont les seniors qui vous sollicitent ?
Patrick Mirouse : Dans un cadre général, il y a finalement peu de seniors qui poussent la porte d’une auto-école. Certainement qu'il y a une retenue, parce que l'image qu'on a de l'école de conduite, c'est le lieu où l'on apprend le permis de conduire, et donc, c'est un endroit dédié aux jeunes qui ne savent pas conduire. Ce qui explique que si peu de seniors poussent la porte des écoles de conduite.
En revanche, quand on organise des initiatives avec des partenaires (collectivités locales, associations ou caisses de retraite), le succès est garanti. Les seniors souhaitent réapprendre à conduire. Dans ce type de projet, nous travaillons avec des groupes de six ou huit personnes, avec des moyens pédagogiques adaptés.
Pour faire changer les mentalités, c'est plus facile quand on est un groupe, parce qu'il y a un échange et une réassurance de tout le public.
Le permis de conduire de 2023 est-il très différent du permis de 1973 ?
Patrick Mirouse : La question à se poser, c'est celle de l'enjeu. Est-ce que c'est avoir le permis ou bien savoir conduire une voiture ?
Au niveau de la conduite, vous admettrez qu’en 50 ans, les véhicules ont bien changé. Les modèles récents offrent des aides à la conduite qui la rendent plus inclusive. Cet atout peut aussi devenir un handicap, car les seniors n'ont pas tous appris à utiliser ces aides. Ils doivent donc apprendre à gérer le maintien de trajectoire et la conduite autonome de niveau 3, par exemple.
J'ai appris à conduire avec une voiture à boîte de vitesses et là c'est une voiture qui parle, qui est automatique et qui a une multitude d'aides à la conduite.
D'autre part, la circulation de 2023 est plus dense qu'il y a 50 ans. Il y a plus de véhicules, de nouveaux dispositifs se sont massifiés, comme les ronds-points. Ce sont des données à prendre en considération. En revanche, une partie significative des choses n'a pas changé : la globalité des panneaux, le feu rouge, le stop, les passages piétons...
Parlons à présent du permis de conduire. En 2023, il octroie les mêmes droits qu’en 1963, mais la validation a quelque peu changé. Il y a 50 ans, vous aviez un inspecteur qualifié qui regardait si la personne n'était pas dangereuse.
En 1963, votre permis attestait de votre capacité à ne pas mettre en danger les gens que vous transportiez, ni les gens que vous croisiez. Nous contrôlons toujours cette capacité, mais désormais le dispositif est moins sujet à interprétation. Un candidat recalé ne peut attribuer son échec à l'humeur de l'inspecteur ! Il connaît son score. Il sait s’il a commis une faute éliminatoire.
Hors des agglomérations, la voiture est-elle une fatalité pour rester autonome ?
Patrick Mirouse : La réponse est dans la question. Mais ce n'est pas une fatalité, c'est pour le moment une solution qui n’a pas d’alternative, notamment dans les zones rurales, pour satisfaire les besoins des seniors (santé, commerces, services publics, etc).
Enfin, il y a l'habitude. Quand des ruraux ont été privés d’alternatives pendant des années, ils ne les recherchent pas. Culturellement, pas méchamment.
Parlons de votre partenariat avec la caisse de retraite Malakoff-Humanis. En quoi consiste ce dispositif ?
Patrick Mirouse : Malakoff-Humanis y joue le rôle de prescripteur. Ils orientent le public vers nos établissements. Nous dispensons une formation en groupe sur une journée complète. Le programme comprend de la théorie et de l'échange sur les déplacements. Il prévoit aussi une partie réglementaire. Les programmes sont thématiques et s’adaptent à la configuration du groupe.
Nous avons un gros travail pour redonner confiance à ces conducteurs et leur permettre de renvoyer une image plus positive. Leur démontrer qu'ils ne sont pas à risque, même s’ils se considèrent comme tel. Ils le sont en tout cas bien moins que d'autres populations.
Par exemple, l'un des thèmes est la reprise de la conduite chez les femmes, après le décès du conjoint. Dans ces situations, nous devons permettre à la conductrice de reprendre confiance en elle et l’aider à réapprivoiser la conduite.
Quels seraient les leviers pour passer à l'échelle ce type d'innovation ?
C'est un bonheur d'animer ce type de journée. Les personnes sont en demande. Il y a tout cet intérêt et toute cette écoute et cette bienveillance. Les gens sont motivés et heureux.Â
Patrick Mirouse : Notre mission de continuum pédagogique nous pousse à rechercher toute opération qui contribue à former et informer les citoyens. C’est pourquoi nous plébiscitons ce type d'initiatives. Si notre expertise est la mobilité, nous devons l'adosser à des structures qui nous apporteront leurs publics.
Nous sommes donc prêts à réfléchir à une démarche de duplication à d'autres modèles. L’idée serait de mettre à profit la proximité, les formateurs qualifiés et les outils pédagogiques des auto-écoles. Notre difficulté vient de notre accès limité à ces publics.
C'est un marché en croissance. Un nombre important d'agences ECF ont participé au partenariat avec Malakoff Humanis et certaines y ont développé une expertise qu'elles répliquent avec d'autres partenaires, comme des mairies. Notre priorité reste l’apprentissage initial, mais la mobilité des seniors est un secteur émergent et d’avenir.
La voiture devient l'outil du lien social.
🚘 L’avis des professionnels de la conduite automobile : Patrice Bessone, président de Mobilians
Les seniors au volant sont-ils plus dangereux que les autres conducteurs ?
Patrice Bessone : Il est difficile de dire que ces conducteurs sont plus dangereux que  d’autres, ce que je peux vous dire c’est qu’ils sont surreprésentés en mortalité routière (au même titre que les jeunes). Cette perception est due à une fragilité plus importante, mais également aux nombreux accidents provoqués de leur fait. Cela est dû à deux facteurs principaux : non-respect d’une règle de priorité ou malaise. Pour conclure il est urgent de pouvoir faire en sorte que les séniors puissent profiter du maintien d’une mobilité en sécurité, car ils sont les premiers à être victime des accidents dont ils sont responsables ou non.
Vous recevez majoritairement dans vos établissements des personnes souhaitant passer ou repasser le permis (donc plus jeunes), quelle est aujourd’hui la part de seniors s’adressant à vous afin d’apprendre ou de réapprendre des éléments théoriques ou pratiques de la conduite ?
Patrice Bessone : La part d’accueil des seniors dans les établissements d’enseignement de la conduite est relative mais en augmentation. Cette situation s’explique par le manque de communication sur le sujet. Nous avons d’ailleurs, avec le soutien de DEKRA, créé une campagne de communication en distribuant des affiches promotionnelles dans plus de 10 000 écoles de conduite de France, dans les contrôles techniques et salle d’examen du code de la route.
Les séniors ont souvent une appréhension liée à la perte de leur mobilité individuelle, et hésitent à pousser la porte d’une école de conduite. Nous devons communiquer plus et communiquer mieux sur le fait que les écoles de conduite accompagnent ces publics vers le maintien de leur mobilité en sécurité.
En France, le maillage territorial des écoles de conduite correspond à environ une école de conduite toutes les 2,5 communes. Avec ce maillage et les compétences des enseignants de la conduite, l’école de conduite semble la solution logique à l’amélioration de la sécurité routière.
En quoi le permis passé aujourd’hui est-il différent de celui passé il y a 40 ans ? Est-ce sur ces différences qu’il faut travailler avec les publics seniors ?
Patrice Bessone : Le permis de conduire n’a pas vraiment changé, c’est le contexte qui est différent. Le nombre de voiture a presque doublé depuis 40 ans, de nouveaux modes de déplacement sont apparus. Le partage de la chaussée se complexifie, les politiques écologiques des métropoles rendent la circulation plus difficile à appréhender, etc. Tout cela sans aucune formation continue obligatoire du conducteur.
Les seniors n’ont pas passé un permis très différent en termes d’épreuves, mais l’ont passé dans un contexte différent, ils ont eu par conséquent un autre apprentissage que les nouveaux arrivants.
Les enjeux sont sécuritaires et primordiaux, le job des écoles de conduite n’est pas le maintien de la mobilité individuelle mais le maintien de la mobilité en sécurité.
Principalement dans les territoires ruraux, est-ce que la voiture individuelle semble être une fatalité pour l’autonomie des seniors à domicile ?
Patrice Bessone : Aujourd’hui c’est principalement le cas, même si de plus en plus dispositifs permettent de se déplacer autrement.
L’évolution des villes et des villages tendra, à mon avis, vers des solutions collectives plus performantes. Toutefois ces solutions méritent pour leurs mises en application une formation permettant une connaissance et utilisation optimale.
Trop souvent, aujourd’hui, la voiture individuelle est opposée aux transports collectifs alors que sur la majorité des territoires c’est l’association des deux et la synergie autour du multimodal qui sera la solution.
Que proposez-vous aux seniors qui s’adressent à vous et qui souhaitent poursuivre leur pratique de la voiture individuelle de manière sûre et en toute confiance pour eux et pour les autres usagers de la route ?
Patrice Bessone : Nous leur proposons une formation adaptée, qui commence par une évaluation de leur besoin, leur capacité et leurs déplacements.
Cette évaluation est primordiale : elle permet une analyse fine des risques.
L’enseignant va ensuite accompagner le conducteur dans un véhicule école, ils finiront par une phase de conduite sur le véhicule du conducteur.
L’enseignant effectuera un bilan précis comprenant les conseils et suggestions.
La phase pratique permettra à l’enseignant de partager son avis sur les capacités de conduite et éventuellement de conseiller un professionnel de santé spécifique dans les cas où des difficultés seraient détectées. L’enseignant n’a pas la possibilité et le rôle de retirer le permis de conduire mais il peut accompagner les séniors vers des professionnels de santé qui eux, disposent de cette habilitation.
Ce cheminement est un cadre général.
L’enseignement s’adaptera totalement aux besoins du sénior, à l’infrastructure locale, aux dispositions de transport collectifs possibles, aux habitudes et attitudes piétonnes.
La proximité des écoles de conduite avec les lieux d’habitation et de circulation des séniors est un atout important.
Nous proposons aussi une box sénior permettant une mise en place de cette formation. L’assurance maladie ou les assureurs, pourraient prendre en charge tout ou partie de cet accompagnement.
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Le mois prochain
Nous vous donnons rendez-vous le jeudi 2 février 2023 à 17 heures pour un numéro consacré aux labels et certifications.