Région, Département, Commune : qui peut aider la Silver Economie ?
La Silver économie vue par les collectivités locales
Garantes de solutions adaptées aux enjeux territoriaux et aux attentes des publics seniors, les collectivités territoriales jouent un rôle majeur dans l’adaptation de la société au vieillissement et le développement de la Silver économie. C’est d’ailleurs dans cet esprit que se sont structurées les Silver régions issues du Tour de France.
Autour des acteurs locaux et des gérontopôles, nous avons souhaité associer l’ensemble des collectivités locales, disposant de compétences complémentaires.
Si les conseils régionaux ont vocation à insuffler une dynamique territoriale, ils s’appuieront sur leurs compétences en matière de développement économique, de soutien aux politiques de logement de logement, en matière d’emploi et de formation ou encore de transports et de mobilité.
Les conseils départementaux sont incontournables, disposant d’une expertise forte en matière de politiques sociales et d’une connaissance des publics.
Enfin, les communes et intercommunalités, acteurs de proximité sont des relais (présidence des CCAS) et s’impliquent dans les réflexions en lien avec l’aménagement (centres-bourgs, centres-villes, voirie…).
Au-delà de cette approche « théorique », nous avons souhaité permettre à différentes collectivités de mettre en avant les spécificités de leurs territoires et leurs actions concrètes en faveur du bien vieillir et de la prévention de la perte d’autonomie.
4 questions à Françoise Jeanson, vice-présidente de la région Nouvelle-Aquitaine
Comment la population de la Nouvelle-Aquitaine vieillit-elle ?
Françoise Jeanson : La Nouvelle-Aquitaine est particulièrement concernée par le phénomène de vieillissement avec 28% de personnes âgées de plus de 60 ans en 2018 et des projections dépassant les 35% en 2040 soit 740 000 seniors supplémentaires.
La façade littorale, densément peuplée et très attractive, concentre une part de seniors importante qui devrait s’accroître dans les prochaines années. Les territoires ruraux de l’ex-Limousin sont quant à eux confrontés à une part importante de personnes âgées dans un contexte de déclin démographique et de déprise médicale.
Enfin, les métropoles comme Bordeaux, présentent une part de seniors relativement faible mais appelée à s’accroître à moyen terme, surtout en périphérie.
Comment la Région s’adapte-t-elle pour y répondre ?
Françoise Jeanson : Ces disparités nécessitent l’élaboration de politiques adaptées et garantes d’une équité territoriale parfois fragilisée. Dans ce contexte, la région Nouvelle-Aquitaine souhaite faire du vieillissement de la population une opportunité de développement social, territorial et économique en accompagnant l’ensemble des acteurs à l’élaboration de solutions permettant de répondre aux besoins de tous les aînés et in fine de concourir à l’adaptation de la société à cette transition démographique.
Quelles sont les spécificités de la Région Nouvelle-Aquitaine ?
Françoise Jeanson : Un des savoir-faire de la région, est de travailler avec ses partenaires dont les départements, les Agences régionales de santé (ARS), les chambres des métiers, les filières. Pour construire la dynamique et la filière régionale de Silver économie nous avons créé un comité de pilotage qui les inclut tous pour travailler étroitement avec eux sur le partage d'expériences, sur la question des emplois, sur les questions d'innovation, sur les expérimentations de solutions des start-up régionales, ou encore sur la recherche.
Sur la question de la dépendance, les acteurs publics concernés sont les départements et les ARS. Les entreprises qui ont des solutions à proposer (plateformes de soutien à domicile, aides techniques, outils numériques) souhaitent travailler avec eux.
Nous portons avec l’ARS et le gérontopôle Nouvelle-Aquitaine, qui a dans ses missions de permettre cette rencontre entre les besoins des collectivités et les propositions entreprises, pour les aider à expérimenter ou déployer ensemble avec l’aide de chercheurs.
Des départements sont en capacité d'innover, et c’est là que le couple région / département s'avère utile. La région peut faire le premier travail d’accompagnement des entreprises, de défrichage de l’offre de mutualisation des informations.
Enfin deux grands sujets sont au cœur des préoccupations des acteurs publics, et ils ne transigent pas dessus : le respect de la personne et des droits humains et la transition écologique.
Quelle que soit notre place dans cet écosystème, notre premier objectif est de permettre le fait qu’avancer en âge s’accompagne de moins d’obstacles, de plus de droits, de respect et d’admiration. Et nous devons nous battre férocement pour déceler tous les abus de fragilité, en particulier à des fins de cupidité, et les faire sévèrement réprimer. Si cette filière ne porte pas très haut cette éthique, elle perd une de ses raisons d’être.
Pouvez-vous nous présenter quelques projets remarquables ?
Françoise Jeanson : Le gérontopôle Nouvelle-Aquitaine a permis plusieurs projets collectifs comme dans « Horizon 20/20 », mais aussi au sein du programme européen interREG1.
L'eurorégion Nouvelle-Aquitaine, Euskadi, Navarre est une opportunité de partenariat et de croissance.
Nous les soutenons financièrement quand ils s’engagent dans le programme usine du futur, (inventé en Aquitaine !) destiné à les accompagner dans leurs innovations organisationnelles et technologiques, comme dans l’accélérateur PME/ETI créé avec la BPI.
Zoom sur le Gérontopôle Nouvelle-Aquitaine
En 2021, Autonom’Lab s’est transformé pour devenir le Gérontopôle Nouvelle-Aquitaine.
Notre gérontopôle est né de la volonté d'une adaptation du territoire aux dangers du vieillissement.
Françoise Jeanson, Vice-Présidente de la Région Nouvelle-Aquitaine
Objectif du gérontopôle NA
Créer et animer un écosystème de collaboration mutuelle pour créer des liens entre les industriels, les professionnels et scientifiques du vieillissement, les collectivités du territoire, et les personnes âgées, premières bénéficiaires de tous les travaux, pour créer des solutions nouvelles.
Missions
Soutenir les territoires dans les transformations indispensables
Fournir de l'aide aux entreprises
Fournir de l'aide à la recherche
Structure
Le GIP est une structure collégiale avec des membres adhérents organisés en sept collèges. Ils représentent les acteurs impliqués pour le bien vieillir en Nouvelle-Aquitaine.
La gouvernance s’appuie sur des méthodes de co-construction, de partenariat et d’innovation ouverte. Avec plus de 170 adhérents répartis sur l’ensemble du territoire, le Gérontopôle Nouvelle-Aquitaine a pour vocation d’impulser, construire et améliorer les réponses apportées aux défis du vieillissement.
4 questions à Anne Terlez, vice-présidente du Conseil départemental de l’Eure, en charge de la santé, de l’autonomie et de la lutte contre l’exclusion.
Comment la population de l’Eure vieillit-elle ?
Anne Terlez : La population de l’Eure, si elle est encore jeune aujourd'hui comparée aux autres départements normands, va vieillir d'un seul coup.
Avec 24% de la population départementale en 2016, les seniors sont légèrement sous représentés dans l’Eure par rapport à la Normandie et aux autres régions de France. Cette part progresse néanmoins régulièrement et pourrait atteindre 30% en 2030, soit 190 000 seniors : une hausse de 22% entre 2019 et 2030. La croissance serait particulièrement vive pour les 75 à 84 ans (+ 65%) tandis que les 85 ans ou plus doubleraient leurs effectifs.
Quelles sont les spécificités du Département ?
Anne Terlez : Nous avons la particularité d’avoir dans notre département plus de 30% de GIR 1 et 2 à domicile. Les enfants qui ont une maison secondaire dans l'Eure font venir leurs parents surtout dans le sud et l'est du département, les tarifs étant plus attractifs qu'en région parisienne. Nous avons depuis la loi d'adaptation de la société au vieillissement (dite “Loi ASV”), des résidences séniors qui s'implantent avec des tarifs qui ne sont pas forcément destinés aux Eurois.
Comment le Département s’adapte-il pour y répondre ?
Anne Terlez : Le département mène depuis quelques années une politique de maintien à domicile, puisque 85% des Eurois souhaitent vieillir à domicile, et donc a fortement développé le répit des aidants avec des places d'hébergement temporaire, de l'accueil de jour, de nuit et d'urgence.
La Direction de l'Autonomie a travaillé au développement des aides techniques ou à l'adaptation du logement : elle a recruté un ergothérapeute afin qu'il puisse accompagner les familles ou les bénéficiaires eux-mêmes dans l’aménagement. Nous avons des partenaires comme Soliha qui sont sollicités pour adapter les logements des bénéficiaires. Nous allons lancer un programme volontariste de remplacement des baignoires par des douches dans les logements sociaux. Nous avons un Truck aménagé, financé par la conférence des financeurs et porté par Soliha qui se déplace dans notre département pour faire de la prévention et inciter les Eurois à aménager leur habitat afin qu'il soit adapté. Ce truck fait des démonstrations avec la douche adaptée, le plan de travail variant en hauteur etc.…
Le département s’est engagé dans la rénovation ou la construction de nouveaux EHPAD afin de répondre aux besoins des Eurois les plus dépendants. Notre département a souhaité financer à la même hauteur que l'ARS (30%). Le montant départemental s'élèvera à 28 millions d'euros et si on ajoute ceux encore en travaux, c'est près de 46 millions qui seront dépensés dans les 5 ans à venir. Chaque projet est pensé à la fois comme un EHPAD comme à la maison, comme un EHPAD connecté et durable.
La crise sanitaire a mis en tension tout le système de santé et d’accompagnement social. Elle a agi comme un révélateur. C’est le bon moment pour tout mettre sur la table. Nous devons pointer ce qui fonctionne et ce qui ne marche pas, dans tout le champ de l’accompagnement et de l’aide sociale.
Anne Terlez, vice-présidente du Conseil départemental de l’Eure
Pouvez-vous nous présenter quelques projets remarquables ?
Anne Terlez : Nous avons réalisé le Salon Senior qui mettait à l'honneur les actions de prévention développées dans notre département, qui a réuni près de 600 seniors. Nous avons accueilli le Silver Day organisé par le Gérontopôle de Normandie.
Nous avons souhaité expérimenter une nouvelle forme d'organisation des services à domicile Buurtzorg ("soins de quartier” en français) ou entreprise libérée avec 4 SAAD que nous souhaitons évaluer de façon randomisée avec l'Institut des politiques publiques et plusieurs autres départements. Nous expérimentons le relayage à domicile porté par le dispositif Bulle d'Air en lien avec la MSA (Mutualité sociale agricole).
Nous allons dans les prochaines semaines, expérimenter l'EHPAD à domicile qui accompagnera les plus dépendants qui souhaitent vieillir à domicile.
Nous sommes sur un projet d'accompagnement pour les seniors sur le numérique soit avec un PASS qui leur donne droit à un certain nombre d'heures de formation à l'utilisation. La population de l’Eure, si elle est encore jeune aujourd'hui comparée aux autres départements normands, va vieillir d'un seul coup.
4 questions à Daniel Iché, élu de Carcassonne Agglo et vice-président du CIAS (Carcassonne Agglo Solidarité)
Comment la population de Carcassonne vieillit-elle ?
Daniel Iché : Les personnes âgées représentent un pourcentage non négligeable des habitants de l'agglomération carcassonnaise : ils sont 11% à avoir plus de 75 ans. Ils vivent principalement dans la partie rurale de notre territoire.
Nous savons que les personnes âgées seront de plus en plus nombreuses au fil des ans. Ce phénomène nous engage à apporter des services de proximité mais aussi à domicile. Notre objectif est que ces personnes, souvent très âgées, ne se retrouvent ni isolées ni fragilisées.
Dans les années futures, les besoins d’accompagnement et de services pour ces personnes vont croître fortement.
Quelles sont les spécificités de l’agglomération ?
Daniel Iché : La présence de personnes âgées est inégalement répartie sur notre territoire avec d’une part un milieu rural aux revenus très modestes, malgré l’arrivée régulière de retraités plus aisés qui recherchent la campagne et le climat de notre région. D’autre part le volet urbain qui se transforme avec la multiplication des résidences pour personnes âgées aisées.
Le constat général reste tout de même dans un niveau plutôt bas quant aux critères de la Silver économie, ce qui n’est pas le cas dans l’est du département de l’Aude plus proche de la Méditerranée et au climat plus favorable.
Le défi est de taille pour Carcassonne Agglo qui détient la compétence en matière de services à domicile (aides ménagères, assistantes de vie, portage de repas, soins infirmiers, téléalarme…).
La dominante rurale de ce territoire, avec des communes très isolées et des personnes âgées dont la famille est éloignée, exige de gros moyens humains et donc financiers. Nous nous sommes fixé le devoir de ne laisser personne sans accompagnement !
Le maintien à domicile comme priorité nécessite des moyens à la hauteur de l’objectif, ce qui n’est pas totalement le cas aujourd’hui. C’est un challenge à gagner pour les années qui sont devant nous. Il ne se gagnera qu’avec un partenariat renforcé avec l’État et les autres collectivités qui partagent nos préoccupations.
Comment l’Agglomération s’adapte-t-elle pour y répondre ?
Daniel Iché : Carcassonne Agglo agit sur plusieurs domaines : l’aide à domicile, l’amélioration de l’habitat en matière énergétique et d’accessibilité, l’information sur la santé et la sécurité, l’utilisation des nouvelles technologies, l’information sur le droit aux services… Des enquêtes régulières sont conduites par le CIAS Agglo auprès des personnes âgées afin de mesurer leurs indices de satisfaction sur les services et recueillir leurs suggestions.
Tout l’avantage de confier ces services à la communauté d’agglomération est bien compris par les communes qui auraient beaucoup de difficultés à les assurer, surtout en milieu rural. Cette mutualisation des besoins et des moyens permet d’apporter de meilleures réponses aux personnes âgées avec un personnel formé et une gestion harmonisée des interventions.
Cela représente une charge financière importante qui n’est pas supportée par les communes mais inscrite au budget communautaire, elle est par conséquent partagée plus équitablement. L’apport en conseil aux communes dans le domaine du vieillissement est un atout supplémentaire que nos services sont en mesure d’effectuer et les sollicitations ne manquent pas !
Pouvez-vous nous présenter quelques projets remarquables ?
Daniel Iché : Notre collectivité travaille à la valorisation du travail d'aide à domicile : sécurisation des contrats, formations, propositions de séances d'ostéopathie... Accompagner nos agents et améliorer leurs conditions de travail est une condition essentielle si nous voulons rendre un service de qualité à notre population !
Interreg est un programme européen visant à promouvoir la coopération entre les régions européennes et le développement de solutions communes dans les domaines du développement urbain, rural et côtier, du développement économique et de la gestion de l’environnement.