Réveil des communes : Quand solidarité et innovation redonnent vie à nos villages
Un entrepreneur, deux élus et une sociologue nous expliquent pourquoi et comment revitaliser le lien social grâce à l'engagement citoyen.
La dévitalisation des villages ruraux et le recul des services publics en France fragilisent le lien social, en particulier pour les citoyens âgés. Ce phénomène est accentué par la disparition des commerces de proximité et l'érosion des réseaux de solidarité traditionnels. Il pose un défi majeur pour les acteurs locaux concernés par le “Vivre Ensemble”. Heureusement, des initiatives émergent afin de recréer du lien social et renforcer les solidarités de proximité.
3 points de vue pour faire le point
Ce dossier explore ces enjeux à travers trois perspectives complémentaires. D'abord, Marius Drigny, fondateur de “Ville à Joie", nous raconte comment son initiative revitalise les villages en apportant des services essentiels directement sur les places publiques et en recréant des moments de convivialité. Ce projet, ancré dans une histoire personnelle, illustre comment l'engagement local peut redonner vie à des territoires en perte de dynamisme.
Ensuite, l'équipe municipale de L’Huisserie témoigne de ses efforts pour renforcer les solidarités locales à travers des dispositifs comme "L'Heure civique". Ce programme mobilise les citoyens pour répondre aux besoins ponctuels de leurs voisins, là où les associations traditionnelles ne suffisent plus. Leur expérience met en lumière les défis et les réussites d'une action collective au service du bien-être des habitants.
Enfin, nous avons interviewé Mélissa Petit, sociologue spécialisée dans le vieillissement et l'engagement des seniors, pour analyser les mutations de l'engagement bénévole. Elle nous explique comment les motivations des retraités évoluent, passant d'un sentiment de devoir envers la société à un engagement fondé sur l'affinité personnelle et la recherche de plaisir. Cette évolution a des implications importantes pour les associations et les initiatives citoyennes, qui doivent s'adapter pour continuer à attirer et mobiliser ces acteurs clés du lien social.
En réunissant ces trois témoignages, ce dossier offre une vision d'ensemble des efforts déployés pour revitaliser les territoires ruraux et renforcer la cohésion sociale, en s'appuyant sur l'engagement des citoyens et des acteurs locaux.
Ville à Joie : un projet pour revitaliser les villages et lutter contre l'isolement
Originaire du Châtillonnais, une région rurale au nord de Dijon, en Haute Côte d'Or, Marius Drigny a observé de près la transformation de son village familial, Vanvey. "Il y a 20 ans, Vanvey avait encore un bar, une épicerie, une boulangerie, et il y avait des événements tous les week-ends", se souvient-il. Aujourd'hui, la situation est bien différente : "Ils ont perdu la moitié de leur population depuis les années 70. Ma grand-mère ne voit plus que de zéro à une personne par jour."
Marius découvre une réalité commune à de nombreux villages français : la disparition des services de proximité et la rupture du lien social, surtout chez les retraités. Ainsi naît l'idée de "Ville à Joie" pour recréer du lien social et apporter des services essentiels dans les villages1.
L'initiative commence en 2020, après la première vague de COVID-19, période exacerbant l'isolement des seniors. Marius et ses amis lancent une campagne de financement participatif sur Ulule pour réaliser leur projet. "Nous louons une camionnette, achetons des tentes et planifions une tournée de quinze dates dans le village de ma grand-mère et les alentours", dit-il.
Le premier essai de "Ville à Joie" est accueilli avec enthousiasme par les habitants et les maires. "La réception est très positive et nous bénéficions d'une large couverture médiatique, essentielle pour la suite", explique Marius. Les retombées attirent d'autres collectivités, confrontées aux mêmes défis, qui sollicitent "Ville à Joie".
Nous avons demandé à Marius Drigny d'expliquer comment Ville à Joie fonctionne et comment il envisage son évolution. Son témoignage révèle le développement, les défis financiers, l'impact social durable et les stratégies pour surmonter les obstacles.
3 Questions à Marius Drigny, fondateur de Ville à Joie
La formule du projet initial mêlait bien dès le début les animations et les services. Pourquoi ?
Marius Drigny : Les tests ont montré que les services publics et médicaux suivent bien leurs bénéficiaires, mais peinent à en rencontrer de nouveaux, surtout dans les villages peu denses. Aller seuls sur la place du village n'est pas efficace. Par exemple, un opticien ou une unité de tests de diabète serait mieux placé devant un supermarché.
Nous voulions rapprocher les services des personnes avec un format attractif et clé en main.
Nous préparons la table, le barnum, l'électricité, Internet et la communication. Nous mesurons l'impact : combien de gens sont vus, combien de rendez-vous pris.
Dans la Nièvre, avec le PETR Val de Loire-Nivernais, nous avons développé une méthode efficace. Nous contactons toutes les mairies de moins de 1 000 habitants avec un appel à manifestation d'intérêt. Si elles veulent nous recevoir, elles remplissent un formulaire indiquant leurs dotations, services et structures associatives à relancer.
Avant de venir, nous faisons des diagnostics territoriaux, validés par les élus. Les maires savent ce qui leur manque et comment nous pouvons être utiles.
Comment la saisonnalité impacte-t-elle l'organisation des événements de Ville à Joie ?
Marius Drigny : La période estivale s'est élargie, notre saison principale va de mai à octobre. Le format Guinguette en extérieur reste très attractif, rappelant l'esprit des fêtes de village.
Toute l'année, nous sommes actifs dans certains départements, utilisant les salles des fêtes en automne et hiver. Lorsque nous débutons sur un nouveau territoire, nous faisons un test pilote avec 15 à 20 dates sur deux mois pour évaluer l'accueil.
Chaque année, nous cherchons à impliquer plus de collectivités et à prolonger notre présence. La première année, c'est deux mois en haute saison, puis trois, et six à neuf mois les années suivantes. La majorité de nos événements se déroule entre mai et octobre, avec des dates supplémentaires selon les régions.
Dans les régions touristiques, les élus nous demandent d'intervenir hors saison pour les résidents permanents, surtout les retraités.
Quels sont les effets à long terme des événements récurrents de Ville à Joie ?
Marius Drigny : Revenir est souvent positif. Au début, il y a des réticences envers une nouvelle initiative menée par des jeunes, mais une fois prouvée, la fréquentation augmente. Par exemple, dans le Châtillonnais, les gens viennent de plus en plus après avoir entendu parler favorablement des événements.
Deux changements majeurs se voient. Premièrement, beaucoup ignorent leurs droits à des aides ou accompagnements. Chaque événement de Ville à Joie crée environ 70 interactions, dont deux tiers concernent des services inconnus des participants. Par exemple, 80% des ruraux ne connaissent pas les aides pour la rénovation thermique comme MaPrimeRénov’. Environ 15 de ces interactions mènent à des rendez-vous ou démarches suivies par nous, comme l'aménagement de douches pour les personnes à mobilité réduite.
Les mairies commencent à comprendre le projet. Au début, elles le voient comme un marché avec des stands, mais réalisent que c'est une fête de village pour rencontrer des services et découvrir des aides.
20% des participants viennent pour les services, attirés par l'ambiance et la restauration. Dans la Nièvre, où nous sommes depuis trois à quatre ans, ce chiffre est passé à 40%, montrant un changement dans les perceptions des habitants.
Quels services Ville à Joie propose-t-elle et quel public cible-t-elle ?
Marius Drigny : Nous offrons des services pour tous les âges et situations, mais 50% de notre public est constitué de retraités. Ils sont moins mobiles, moins à l'aise avec le numérique, et ont plus de besoins de santé, surtout en zones rurales.
Nous aidons les jeunes de 18 à 30 ans avec le financement du permis, la recherche d'emploi, le passe culture, et des billets TER bon marché. Pour les retraités, nous proposons des bilans de santé, tests de la vue et de diabète. Les actifs bénéficient de services de la Chambre d'agriculture et de la MSA, spécifiquement pour le public agricole. Nous avons aussi des offres pour l'inclusion des personnes éloignées de l'emploi.
Les services généralistes comme les conseils numériques, France Services et France Rénov', souvent utilisés par les retraités, leur sont dédiés. Notre deuxième plus grand groupe de bénéficiaires est celui des 30-55 ans, futurs retraités. Nous accueillons aussi de nombreuses familles avec enfants de 0 à 18 ans.
Il y a un déficit entre 18 et 25 ans, car ces jeunes quittent souvent la région pour leurs études.
Comment le modèle de développement de Ville à Joie fonctionne-t-il toute l'année et quels sont les principaux défis financiers ?
Marius Drigny : Notre développement est incrémental. Chaque année, nous commençons par de petits tests avant de nous étendre. La saison va de mai à octobre. De novembre à avril, une équipe transverse identifie les territoires et les financeurs, en envoyant des dossiers et préparant les bilans pour renouveler les partenariats.
Nous avons cinq équipes de tournée, chacune composée de cinq à six jeunes, dont deux responsables. Nous gardons les responsables en hiver pour gérer les dates prévues et préparer les tournées en contactant mairies et services.
Quand la saison commence, les équipes sont reformées avec de nouveaux équipiers, et les responsables encadrent les opérations. En saison, nous avons 29 salariés, dont une dizaine restent hors saison pour préparer la suivante.
Le principal défi est de lever des fonds chaque année. Nous devons surmonter la transition de l'expérimentation à la pérennisation, où les financements sont moins disponibles, et le besoin de financement de fonctionnement. 80% de nos dépenses sont des salaires.
Pour diversifier nos financements, nous sollicitons divers financeurs, y compris des partenaires privés, et explorons des collaborations avec des opérateurs déployant la fibre. En ruralité, les moyens sont limités, donc nous diversifions géographiquement nos opérations.
Nous espérons que les décideurs reconnaissent l'importance de financer le fonctionnement pour répondre aux besoins sociaux et moraux des habitants. La revitalisation rurale doit inclure des initiatives d'animation et de services pour créer un lien social durable.
Tournons-nous à présent vers une autre approche de la solidarité locale. À L’Huisserie, une commune de la Mayenne (53), l’équipe municipale renforce les liens entre les habitants grâce à des dispositifs comme "L'Heure civique". Cette initiative mobilise les citoyens pour répondre aux besoins ponctuels des plus vulnérables, là où les associations traditionnelles ne suffisent plus. Leur témoignage illustre comment ces actions contribuent à retisser le tissu social face aux défis démographiques et sociaux actuels.
Les solidarités locales à l’Huisserie (Mayenne)
Profil et motivations de l’équipe municipale
Jean-Pierre Thiot : Je suis maire depuis mai 2020, après une carrière de 30 ans en tant qu'officier du personnel navigant dans l'armée de l'air, où j'ai participé à des missions humanitaires et de gestion de crise à travers le monde. Ces expériences m'ont profondément imprégné des valeurs de respect de l'humain, de travail en équipe et de solidarité.
Mon enfance dans un petit village de 500 habitants le long de la N7 dans la Nièvre, à Champlemy, dans les années 70, a également marqué ma vision. À l'époque, le village était animé tout au long de l'année, avec des bals, des fêtes, des concours de belote et des marchés. Les habitants se connaissaient tous et la solidarité était naturelle.
Aujourd'hui, en tant que maire de L’Huisserie, avec Anne-Marie Janvier, ma première adjointe, et l'ensemble de l'équipe municipale, nous cherchons à recréer cette ambiance de solidarité de proximité dans notre commune de 4 800 habitants. Ce n'est pas une tâche facile, mais nous y croyons fermement. Le dispositif de "L'Heure Civique" s'inscrit parfaitement dans cette démarche.
Trois questions à Jean-Pierre Thiot et Anne-Marie Janvier
Comment la commune de L’Huisserie a-t-elle soutenu et renforcé les solidarités locales, notamment avec l'initiative "L'Heure civique" ?
Nous n’avons pas constaté de diminution des solidarités intergénérationnelles dans notre commune, bien que la période du COVID ait réduit l’engagement bénévole. Dès notre arrivée à la municipalité en mai 2020, nous avons instauré un système de référents de quartier, divisant notre commune en une dizaine de zones. Chacune est supervisée par un ou deux référents, créant ainsi un lien direct entre les habitants, les élus et l’équipe municipale.
Nous bénéficions d'un réseau associatif dense. Plus de 50 associations, dont certaines se consacrent à la solidarité envers les personnes âgées.
Par exemple, l'association Huibiscus, constituée de bénévoles de tous âges, organise des activités pour les personnes âgées isolées, comme des visites de courtoisie, des promenades, ou des jeux de société. Une autre association, l’Amicale Beau Soleil, réunit les anciens une fois par semaine pour des activités comme la pétanque ou les jeux de cartes, ainsi que pour des événements annuels tels que la galette des rois.
Depuis octobre 2023, nous participons à l’initiative « L’Heure civique2 », qui permet à des bénévoles de tous âges de donner un peu de leur temps pour aider ceux qui en ont besoin, qu'il s'agisse d'un simple changement d'ampoule ou d'accompagner quelqu'un chez le docteur.
Nous avons actuellement 13 bénéficiaires et une quinzaine de bénévoles actifs. Nous travaillons sur la communication pour encourager davantage de personnes à solliciter ces services ponctuels, car nous avons plus de bénévoles que de bénéficiaires.
Cela montre que, malgré une certaine réticence à demander de l'aide, les solidarités de proximité restent bien vivantes et en croissance dans notre commune.
Pourquoi L’Huisserie a-t-elle rejoint "L'Heure civique" en plus de son réseau associatif déjà bien établi ?
Bien que notre commune ait un réseau associatif important, certaines populations nécessitent une approche plus proactive, que nos associations ne pouvaient pas toujours offrir. Il s'agit de personnes qui, en vieillissant, sont de moins en moins capables de faire certaines tâches par elles-mêmes, mais qui hésitent à demander de l'aide. Elles attendent souvent qu’on leur propose spontanément une assistance, par exemple pour faire les courses ou aller à la pharmacie après une hospitalisation.
Nos associations, telles que l'Huibiscus ou l'Amicale Beau Soleil, apportent déjà un soutien considérable aux personnes âgées, mais elles ne sont pas structurées pour répondre à des besoins ponctuels, comme changer une ampoule ou déplacer un pot de fleurs. Ces tâches, trop petites pour une entreprise, relèvent plutôt de l'entraide entre voisins. "L'Heure civique" comble cette lacune en organisant et en valorisant cette solidarité de proximité, permettant à ceux qui ont du temps de l’offrir à ceux qui en ont besoin.
"L'Heure civique" a aussi permis de mobiliser des bénévoles qui, sans ce cadre, n'auraient peut-être pas osé se proposer. Ce sont souvent des nouveaux arrivants, des jeunes retraités, ou des actifs isolés qui cherchent à s’intégrer et à nouer des liens dans la communauté. L'initiative a aussi encouragé les personnes dans le besoin à demander de l'aide, même si elles n'avaient pas l'habitude de le faire.
Malgré le bon nombre de bénévoles, il reste important d'aller vers ces personnes, car beaucoup ne réalisent pas qu'elles peuvent bénéficier de ce soutien.
Quels sont les défis que la commune de L’Huisserie rencontre pour mettre en place de nouveaux dispositifs de solidarité, et comment s'adaptent-ils aux besoins changeants de la population ?
L’Huisserie, comme beaucoup de communes en France, a dû faire face à l’évolution des besoins sociaux de sa population, en particulier ceux des personnes âgées et isolées. Si l’entourage est souvent le premier à détecter ces besoins, il n’en reste pas moins que la mise en œuvre de solutions efficaces demande du temps et de la persévérance. L’adhésion de la commune à des dispositifs comme "L'Heure civique" s'inscrit dans cette démarche, permettant de recréer du lien social et de répondre aux besoins concrets de manière plus ciblée.
L’évolution démographique et sociale de la commune a accentué certains défis, notamment avec l’éloignement des familles et l’arrivée de nouvelles populations. Ce phénomène a conduit à un affaiblissement des liens sociaux traditionnels. L’augmentation du nombre de logements sociaux et la mobilité professionnelle ont également changé le profil des habitants, rendant plus difficile la mobilisation spontanée autour des initiatives communautaires.
La mise en place de dispositifs comme "L'Heure civique" et la "participation citoyenne" en lien avec la Gendarmerie ne se fait pas instantanément. Bien que les bénévoles et les référents de quartier soient motivés, il faut du temps pour que ces initiatives prennent racine et que la population y adhère pleinement. Les premiers retours sont positifs, mais la commune doit encore surmonter le défi de maintenir l’engagement des bénévoles et de trouver les bénéficiaires qui, parfois, hésitent à demander de l’aide.
Le défi est de faire vivre ces structures pour qu'elles ne perdent pas leur élan initial, et pour cela, il est crucial de proposer des activités concrètes et gratifiantes qui répondent aux attentes des habitants.
3 questions à Mélissa-Asli Petit, sociologue, à propos de l’engagement associatif des retraités
Mélissa-Asli Petit est docteure en sociologie et a près de 15 ans d’expériences dans le champ du vieillissement. Elle dirige Mixing Générations, un bureau d'études et de conseil en sociologie dans le domaine du vieillissement. Elle a publié « Les retraités : cette richesse pour la France » (2016), ouvrage dans lequel elle évoque notamment l'engagement social des retraités.
Pourquoi les retraités sont-ils souvent encouragés à s'engager bénévolement, et comment cet engagement a-t-il évolué au fil du temps ?
Mélissa-Asli Petit : Historiquement, l'idée que les retraités doivent s'engager bénévolement est liée à la perception que c'est un moyen d'occuper leur temps et de rendre à la société. Après avoir contribué durant leur vie active, les retraités, en recevant une pension, se sentiraient redevables et chercheraient à compenser en s'impliquant dans des activités bénévoles.
Cependant, l'engagement des retraités n'a pas toujours été aussi répandu. Dans les années 90, seulement 5 à 10 % des retraités étaient bénévoles. Ce chiffre a augmenté, atteignant environ 37 % en 2010, pour redescendre aujourd'hui à environ un quart. Cette évolution est en partie due à l'augmentation de l'espérance de vie et à la retraite anticipée dans les années 80, qui ont offert aux retraités plus de temps et de ressources pour s'engager. De nombreuses associations ont été créées à cette époque par des pré-retraités en bonne santé, désireux de rester actifs et utiles.
Cet élan a marqué le début d'un bénévolat structuré chez les retraités, impulsé par une combinaison de facteurs sociaux et économiques.
Comment les dynamiques de l'engagement des retraités ont-elles évolué et quelle est leur relation avec le bien-vieillir ?
Mélissa-Asli Petit : L'idée que les retraités doivent "rendre à la société" en s'engageant bénévolement repose sur un sentiment de dette, bien qu'ils n'en aient pas forcément une. Aujourd'hui, l'engagement des retraités s'inscrit de plus en plus dans des dynamiques préventives liées au bien-vieillir. Les formations et stages proposés par des organismes comme les Carsat ou la CNAV ne se contentent pas de promouvoir la santé physique, mais valorisent aussi le bénévolat comme un moyen de renforcer l'utilité sociale, cruciale pour le bien-être des retraités.
Cependant, il est réducteur de limiter l'engagement des retraités au seul bénévolat. De plus en plus, l'engagement est motivé par des affinités personnelles et un besoin identitaire plutôt que par une simple volonté de servir une cause.
Par exemple, une femme retraitée qui s'implique dans des actions environnementales avec sa fille ne se voit pas seulement comme bénévole, mais comme une activiste engagée, ce qui correspond à son identité profonde. De même, un guide de montagne qui continue son activité à la retraite ne se définit pas comme bénévole, mais comme un guide dans l'âme.
Cet engagement est donc bien plus qu'une simple activité, il est lié à l'identité et à un besoin de vivre ensemble, ce qui dépasse largement la notion traditionnelle de bénévolat.
Comment l'évolution des attentes des bénévoles influence-t-elle la structuration des associations et leur capacité à attirer de nouveaux membres ?
Mélissa-Asli Petit : L'évolution de l'engagement des bénévoles montre que les attentes ont changé, avec une volonté croissante d'obtenir des bénéfices concrets et un plaisir immédiat dans les activités. Par exemple, les bénévoles d'aujourd'hui recherchent souvent des engagements à court terme. Comme participer à un événement ponctuel leur permettant de se sentir utiles sans un engagement à long terme. Cette approche, parfois qualifiée d'« engagement post-it », se distingue de l'engagement traditionnel, plus durable et enraciné.
Les associations, surtout les grandes structures nationales, doivent repenser leur organisation pour s'adapter à ces nouvelles attentes. La lourdeur administrative et la rigidité des postes à responsabilité découragent certains bénévoles qui recherchent des actions concrètes et gratifiantes. Certaines associations ont commencé à diviser les tâches en micro-actions, permettant à plusieurs personnes de partager un même poste, ce qui répond mieux aux attentes actuelles des bénévoles.
Pour attirer et retenir des bénévoles, il est essentiel de leur offrir une expérience engageante dès le départ, en créant un sentiment de communauté et d'appartenance. Les bénévoles doivent se sentir intégrés et valorisés, sinon ils risquent de se désengager rapidement.
La capacité des associations à s'adapter à ces nouvelles formes d'engagement déterminera leur succès à long terme.
Comment l'engagement local et l'affinité personnelle influencent-ils la participation des bénévoles dans les associations ?
Mélissa-Asli Petit : L'engagement est facilité lorsqu'il est ancré dans le local, car cela renforce le sentiment de vivre ensemble et de créer une communauté. Les bénévoles qui participent à des actions correspondant à leur identité et leurs affinités se sentent plus investis.
Par exemple, dans une petite commune, le Conseil des sages se réunit régulièrement dans un café associatif pour discuter de projets locaux. Cette inscription locale, combinée à un cadre commun, favorise la participation et permet aux bénévoles de proposer et réaliser des actions concrètes.
Gardons cependant à l’esprit que l'engagement est aussi motivé par le plaisir et la joie. Les bénévoles recherchent non seulement un cadre, mais aussi une expérience positive et enrichissante.
Par exemple, des femmes retraitées engagées dans des mouvements pour le climat ou le féminisme ont commencé leur action par le plaisir de se retrouver entre amies. Leur engagement est né de cette joie partagée, avant de se structurer en projets concrets.
Ainsi, l'affinité personnelle, l'identité locale et le plaisir de participer sont des éléments clés qui encouragent les bénévoles à s'engager et à rester actifs dans les associations. Ces facteurs doivent être pris en compte pour attirer et maintenir l'engagement au sein des structures locales.
Le mot de la fin
La revitalisation des villages ruraux et le renforcement du lien social dans les petites communes françaises sont des enjeux cruciaux pour l’avenir de ces territoires. Les initiatives comme "Ville à Joie" ou "L'Heure civique" illustrent comment l’engagement citoyen et les actions collectives peuvent redonner vie à des communautés souvent oubliées par les services publics. Ces projets montrent qu'il est possible de recréer du lien social en adaptant les réponses aux besoins spécifiques de chaque territoire, tout en s’appuyant sur les forces locales.
Ces actions vont dans le bon sens. Elles permettent de lutter contre l’isolement des populations les plus fragiles, notamment les personnes âgées, mais aussi de renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté. En mobilisant les citoyens autour de valeurs communes et d’objectifs concrets, elles créent un environnement plus solidaire et résilient.
Cependant, ces initiatives soulèvent également des questions sur les mutations démographiques en cours. Alors que les populations rurales continuent de vieillir et que les jeunes générations migrent vers les zones urbaines, comment ces territoires pourront-ils s’adapter pour maintenir un tissu social dynamique ?
La capacité des villages à attirer et retenir de nouveaux habitants, à encourager l’engagement des plus jeunes et à intégrer les nouveaux arrivants sera déterminante pour leur survie à long terme.
Ces initiatives suffiront-elles à inverser les tendances actuelles ou faudra-t-il repenser plus profondément l’avenir de nos territoires ruraux ?
Site web du projet : https://villeajoie.fr/
Projet citoyen lancé par l’association Voisins Solidaires. L’Heure Civique met en place une stratégie de mobilisation pour développer les solidarités de proximité. Impulsée par les collectivités territoriales (départements et communes), cette dynamique solidaire veut venir en soutien aux politiques publiques et va donner du sens à l’action citoyenne. Site web :
https://lheurecivique.fr/